Aussi attentive à la marche du monde qu'attirée par les petites choses de la vie, Arlette Farge n'a pas hésité un instant à s'exposer: dire ce que la vie signifie pour elle.
Arlette Farge a le goût des autres, gens du passé, gens du présent. Aussi attentive à la marche du monde qu'attirée par les petites choses de la vie, cette irréductible fonceuse n'a pas hésité un instant à s'exposer: dire ce que la vie signifie pour elle. L'exploratrice des archives, toujours soucieuse du réel, fait ici acte d'imaginaire tout en nous offrant un de ses grands plaisirs: écrire des lettres, des vraies, avec un crayon et du papier. Prendre le temps de songer à une personne, lui faire part d'un rien joyeux, d'une émotion, d'une pensée, et d'une main vive, pétillante, chaleureuse, dessiner des phrases qui donnent sens et plaisir. Enfin, choisir un joli timbre et se rendre à la poste. C'est sa façon de faire lien, de prendre soin. Il me faut te dire est un recueil de lettres adressées à des personnes fictives - ou presque - un ami, un collègue, un petit-fils, un pauvre gars sorti tout droit de son XVIIIe siècle. Chez Arlette Farge, tout est source d'étonnement, d'émotion: paysage, film, bruits de la ville, couleurs, lectures; tout mène à l'humain, geste, parole; tout mène au partage.
S'approprier les mots d'Arlette Farge, c'est lire notre propre vie ; c'est bien là tout son talent?: nous faire croire d'emblée qu'elle s'adresse à chacun d'entre nous.
Née en 1941 à Charleville (Ardennes), l'historienne Arlette Farge vit à Paris. Directrice de recherches émérite au CNRS, elle a publié une trentaine d'ouvrages. En mai 2016, l'ensemble de son ouvre a été récompensé par le prix international Dan David (l'équivalent de la médaille Fields pour les mathématiciens).
Arlette Farge s'est inventé un métier, une mission - explorer les archives de police et de justice et mettre à jour des existences oubliées : " Écrire l'histoire des plus déshérités au xviiie siècle est une passion, celle de donner vie et sens aux plus méconnus du siècle des Lumières, qui autrefois, ont vécu, aimé, désiré et souffert, tandis que la grande histoire traditionnelle tarde à les sortir de l'ombre au profit des grands événements sociaux et politiques. "
Spécialiste par ailleurs de l'histoire des femmes, Arlette Farge poursuit des travaux de recherche sur la transmission de l'histoire.
Elle collabore aux côtés d'Emmanuel Laurentin à
La Fabrique de l'histoire sur France Culture.
Chose peu fréquente au XVIIIème siècle, un ferblantier parisien fait un procès à sa femme pour adultère. Les pièces de l'accusation dénoncent chez l'épouse des pratiques et des faits qui n'appartiennent pas à son monde. Alors qu'on est en milieu populaire, les témoignages dépeignent l'accusée comme sortie d'un tableau de Fragonard ou d'un roman libertin de Crébillon. Les forfaits et débauches dont elle est accusée ne sauraient être les siens tant ils débordent de luxe, rubans, bijoux et autres signes de richesses apanages des seules classes supérieures.Arlette Farge se livre à une analyse passionnée et passionnante des mots transcrits dans les archives de police. Avec un vrai sens du suspense et une rigueur d'historienne, elle dévoile et éclaire des silences et des ombres du siècle des Lumières.
Entre histoire et théâtre, La Nuit blanche raconte un fait divers de 1770. Pierre, un jeune homme de dix-huit ans, est rompu en place de Cambrai pour avoir entretenu de mauvaises rumeurs contre les notables de la ville. Et blasphémé contre le Roi.
Arlette Farge, historienne du XVIIIe siècle, auteur de nombreux ouvrages sur la violence à Paris et sur l'opinion publique, a publié en 1982 avec Michel Foucault Le Désordre des familles. Elle s'est aussi intéressée à la relation intrigante que la photographie entretient avec les siècles passés.
Guidée par un savoir intime des archives, Arlette Farge invente un langage pour restituer des scènes de vie ordinaire au XVIIIe siècle. La lumière, l'eau, la ville mobile et furtive sont happées par les mots de l'historienne qui recrée ainsi tout un univers visuel. Charlotte, la fiancée de Pierre, est la silhouette mutine qui accompagne la douleur de la mère et du fils.
La "nuit blanche" est la nuit précédant l'exécution d'un condamné.
Cohorte silencieuse et grise, les vieilles filles et les veuves du passé sont restées en marge de l'histoire, vouées à l'inexistence collective, réduites à un stéréotype. Des historiens, femmes pour la plupart, s'attachent ici à démontrer le poids démographique des femmes seules, à repérer les limites de leur existence juridique, leur importance dans la vie professionnelle ainsi que leurs relations particulières au travail et à la société. Illustrations de situations multiples et contradictoires, ces itinéraires de femmes vagantes hors du modèle traditionnel du couple et du mariage, éclairent un présent où se développent les situations de solitude revendiquée ou subie.