Tout le monde se réclame de l'École de la République bien qu'elle ne parvienne pas à réaliser les promesses républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité. Cet ouvrage plaide pour une "démocratie apprenante" soutenue par un service public d'enseignement répondant aux besoins des usagers afin de s'extraire de la déploration permanente de la "crise de l'éducation" et contribuer à la mutation de l'École, plus réaliste et ouverte au monde social.
Si l'on veut comprendre l'antisémitisme, il reste utile de lire les pamphlets, furieusement antisémites et racistes, écrits par Louis-Ferdinand Céline entre 1937 et 1941. On verra alors pourquoi un écrivain majeur du X Xe siècle a fait de cette « passion triste » de l'Histoire le vecteur de la haine bouillonnant dans la faille précocement ouverte dans son histoire subjective, et comment Céline l'a transformée en littérature pour en faire partager la dimension de jouissance, ce qu'il appelle « la joie haineuse ». La « joie haineuse » se veut aussi et surtout un « gai savoir » de la littérature.
Le texte rêve : manière de dire qu'un écrit littéraire vit une vie nocturne et que, de cette vie, nous pouvons entrevoir quelques fantômes. Manière de reconnaître qu'un lecteur attentif peut amener un tel écrit à raconter, dans une autre langue, ce qui se passe sur la scène obscure qu'on dit être celle de l'inconscient. Manière de suggérer que le critique peut éclaircir, un peu, la nuit, reprendre en écho la rumeur, afin que le public sache où porter ses pas, à quoi prêter l'oreille. Pour que lecture et écriture manifestent leur séduction, en donnant occasion à quelque vérité de se produire au jour, il faut qu'elles nous fassent rêver, il faut qu'elles nous incitent à rêvécrire, chacun pour son propre conte... À l'origine des amours de Tristan et Iseut, un acte manqué : l'absorption du philtre qui lie ceux que tout devait séparer. Ne révèle-t-il pas que le ratage est l'essence même de l'acte amoureux ? Dès lors, la lecture des différentes versions médiévales ne doit-elle pas dégager les modalités de l'impasse amoureuse (division féminine, blessure masculine) dont la description anticipe, avec une rigueur inégalée, ce qu'en dévoilera la psychanalyse ? Le ratage affecte aussi l'acte littéraire. Divisé par des versions en vers différentes ou contradictoires, le texte tristanien manque ou poursuit une impossible complétude dans le roman en prose. La littérature est une blessure qui ne cesse pas de se rouvrir, mais le sang de l'écriture ne laisse jamais advenir le signe ou le texte attendu. Comme l'amour, l'écriture ne serait-elle qu'un acte manqué ?
Le texte rêve : manière de dire qu'un écrit littéraire vit une vie nocturne et que, de cette vie, nous pouvons entrevoir quelques fantômes. Manière de reconnaître qu'un lecteur attentif peut amener un tel écrit à raconter, dans une autre langue, ce qui se passe sur la scène obscure qu'on dit être celle de l'inconscient. Manière de suggérer que le critique peut éclaircir, un peu, la nuit, reprendre en écho la rumeur, afin que le public sache où porter ses pas, à quoi prêter l'oreille. Pour que lecture et écriture manifestent leur séduction, en donnant occasion à quelque vérité de se produire au jour, il faut qu'elles nous fassent rêver, il faut qu'elles nous incitent à rêvécrire, chacun pour son propre conte...
Un homme, vieillissant et malade, cherche à comprendre pourquoi il s'est constamment laissé séduire par des femmes qui ne lui convenaient pas et enfermer dans des relations amoureuses sources d'une angoisse à laquelle il n'a pu échapper que de la pire des façons. Quatre figures différentes de femmes servent au narrateur à cerner la loi d'airain de la répétition dans la différence qui, à chaque fois, a transformé sa vie amoureuse en enfer. Dans cette confession, où se mêlent réalité et fantasme, sincérité et mensonge, le narrateur brosse un portrait peu flatteur de lui-même où s'avoue une réelle incompréhension de l'évolution des relations hommes femmes et des représentations de la masculinité.
Là où elle se fait passion de l'impossible, la littérature médiévale anticipe la clinique freudienne transformant en savoir la souffrance de l'hystérique.
Par « roman », le Moyen Âge entend d'abord « mise en roman », translation en langue romane des grandes épopées grecques et latines. Les « romans antiques » ne suivent pas à la lettre leurs modèles, mais les adaptent à l'esprit de leur temps, les abrègent ou les amplifient, les glosent... Autant d'infidélités, à lire comme les signes de la naissance du genre romanesque. Parmi ces oeuvres, qui ne découvrent l'Antiquité que pour penser le Moyen Âge, « l'Enéas » brille d'un éclat tout particulier. Par-delà l'Enéide de Virgile, qu'il adapte, ce roman reconnaît, dans la fonction paternelle, le « signifiant-maître » de l'avènement de la féodalité. En s'engageant dans la voie du Père, le roman va ainsi pouvoir contourner les impasses du désir et de la jouissance, inventer l'amour, faire de la femme l'horizon de la littérature. Tel Narcisse, l'Enéas s'attarde à contempler son image dans le miroir qu'il se fabrique ; il double la fiction héritée du modèle d'une théorie du roman subtilement incluse dans le récit. En ce sens, il représente « le roman médiéval », au sens de « premier roman », dont s'inspireront les maîtres à venir du roman courtois. « Fiction théorique », l'Enéas met en perspective les lois de l'écriture médiévale dans le temps où il les transgresse. D'un même mouvement, il excède et interroge les savoirs de la Modernité qui prétendent s'y appliquer. Ainsi vient-il faire image à cette « entropie critique », que le Moyen Âge incarne dans le concert théorique contemporain.