Sous une apparence pragmatique, la gestion constitue une idéologie qui légitime la guerre économique et l'obsession du rendement financier. Les " gestionnaires " installent en fait un nouveau pouvoir managérial. Il s'agit moins d'un pouvoir autoritaire et hiérarchique que d'une incitation à l'investissement illimité de soi dans le travail pour tenter de satisfaire ses penchants narcissiques et ses besoins de reconnaissance. Il s'agit d'instiller dans les esprits une représentation du monde et de la personne humaine, en sorte que la seule voie de réalisation de soi consiste à se jeter à corps perdu dans la " lutte des places " et la course à la productivité.
Or, pour comme pour mieux assurer son emprise, cette logique déborde hors du champ de l'entreprise et colonise toute la société. Aujourd'hui, tout se gère, les villes, les administrations, les institutions, mais également la famille, les relations amoureuses, la sexualité... Le Moi de chaque individu est devenu un capital qu'il doit faire fructifier.
Mais cette culture de la haute performance et le climat de compétition généralisée mettent le monde sous pression. Le harcèlement se banalise, entraînant l'épuisement professionnel, le stress et la souffrance au travail. La société n'est plus qu'un marché, un champ de bataille insensé où le remède proposé aux méfaits de la guerre économique consiste toujours à durcir la lutte. Face à ces transformations, la politique, à son tour contaminée par le " réalisme gestionnaire", semble impuissante à dessiner les contours d'une société harmonieuse, soucieuse du bien commun.
Peut-on néanmoins échapper à l'épidémie ? Peut-on repenser la gestion comme l'instrument d'organisation et de construction d'un monde commun où le lien importe plus que le bien ? C'est en tout cas la piste qu'ouvre ici le diagnostic du sociologue clinicien.
Les hommes croient avoir une histoire. Ils disent communément : « C'est mon histoire », comme s'ils en étaient les propriétaires. Ils pensent ainsi protéger ce qu'ils ont de plus précieux, leur identité, leur être profond et singulier. Or il serait plus juste de dire que l'homme est histoire. Ce n'est pas le sujet qui raconte son histoire, c'est l'histoire qui le raconte. Ce livre explore les potentialités du récit de vie pour permettre au sujet de se réapproprier une histoire dont il se sent parfois plus la victime que l'acteur. Entre fiction et réalité, entre roman familial et histoire sociale, entre illusion biographique et enquête sur le passé, le récit de vie est un moyen de retravailler son existence. Il offre au sujet la possibilité de dénouer des noeuds sociopsychiques inconscients entre l'histoire personnelle, l'histoire familiale et l'histoire sociale. Ce faisant, le récit de vie lui permet de dépasser des traumatismes restés jusque-là impensés pour s'inventer une vie ouverte sur l'avenir. Vincent de Gaulejac est professeur émérite à l'Université de Paris, président du Réseau international de sociologie clinique, docteur honoris causa des Universités de Mons (Belgique) et de Rosario (Argentine). Il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont La Névrose de classe, Les Sources de la honte, Mon enfant se radicalise (avec Isabelle Seret, chez Odile Jacob).
Les sociétés hypermodernes exacerbent la nécessité de s'affirmer comme individu autonome pour se conformer à l'idéologie de la réalisation de soi-même. Beau paradoxe puisque chacun doit cultiver son identité personnelle en se conformant à l'injonction d'être un sujet responsable de lui-même, de ses actes, de ses désirs, de son existence sociale. Mais que signifie vouloir être soi-même?
Cet ouvrage explore les conditions sociales et psychiques du processus de subjectivation par lequel un individu cherche à advenir comme sujet. Entre sociologie et psychanalyse, l'exploration porte sur les notions d'individu, d'identité, de sujet, adossée à des vignettes cliniques à partir de récits de vie. Il prolonge les réflexions de l'auteur sur une sociologie clinique attachée à comprendre, au plus près du vécu, comment se tissent les relations intimes entre l'être de l'homme et l'être de la société.
D'autres livres ont abordé la question. Celui-ci a le mérite d'offrir, avec clarté, un parcours passionnant à travers les diverses approches du sujet (philosophiques, psychologiques et sociologiques). Il dessine les contours d'un être humain unifié, où psychique et social interagissent au lieu de s'opposer, où les déterminismes sociaux sont aussi les ingrédients de l'autonomie.
Vincent de Gaulejac
Directeur du Laboratoire de changement social, professeur de sociologie à l'université Paris VII-Denis Diderot, membre fondateur de l'Institut international de sociologie clinique, auteur d'une quinzaine d'ouvrages dont La Névrose de classe, La Lutte des places, Les Sources de la honte, L'Histoire en héritage, La Société malade de la gestion.
On n'existe plus ! Cette plainte est caractéristique de toutes les personnes qui ont le sentiment d'avoir perdu leur place dans la société. Ce phénomène de désinsertion sociale est nouveau et touche un nombre de personnes de plus en plus important. La lutte des places n'est pas une lutte entre des personnes ou entre des classes sociales. C'est une lutte d'individus solitaires contre la société pour trouver ou retrouver une « place », c'est-à-dire un statut, une identité, une reconnaissance, une existence sociale. Cet ouvrage décrit, à partir de récits de vie, différents aspects de l'exclusion et diverses formes de désagrégation du lien social. Il montre comment des individus entrent dans l'engrenage de la désinsertion et présente les stratégies pour tenter de s'en sortir. Il analyse également pourquoi les réponses politiques et institutionnelles se sont avérées, jusqu'à présent, impuissantes pour enrayer ce phénomène.Nouvelle édition augmentée.Vincent de GAULEJAC, sociologue, est directeur du Laboratoire de changement social.Frédéric Blondel est sociologue et consultant.Isabel Taboada-Leonetti, disparue en 2005, était sociologue et chercheur au CNRS.
L'individu produit la société qui le produit et inversement, on ne peut donc changer l'un sans l'autre. Le théâtre d'intervention offre un espace transitionnel qui permet de mieux saisir ces interférences, de ne pas se figer dans un rôle, de se dégager de ses identités assignées, de se distancier de la façon dont le passé est agissant en nous. Jouer avec la vie, jouer avec sa vie, cet engouement proprement humain, peut être un formidable vecteur d'émancipation.
Le théâtre n'est qu'un moment dans un processus d'intervention. Les étapes antérieures permettent d'établir la confiance, d'analyser la demande, de construire un cadre contenant, de circonscrire les problèmes, d'inscrire l'intervention dans une temporalité précise. Les étapes postérieures consistent à mentaliser les effets cathartiques par un double travail de réflexivité mentale et de perlaboration psychique. La verbalisation des émotions éprouvées par les participants, acteurs et spectActeurs, la discussion collective après chaque saynète, le relevé de conclusions, le moment sociologique, l'élaboration de préconisations, la mise en oeuvre de pistes d'action sont autant de mobilisations individuelles et collectives qui consistent à prendre conscience des origines de la violence, de la genèse des conflits, des actions souhaitables et possibles pour améliorer les choses.
Les effets de ce processus se déclinent au niveau des personnes impliquées, des collectifs et des organisations concernées et, plus largement, au niveau politique de l'ensemble de la Cité.
La boîte à outils, conceptuels et méthodologiques, du sociologue clinicien, élaborée à partir de divers terrains de recherche ou d'intervention.
Cet ouvrage de référence rassemble les méthodes et problématiques centrales ainsi que les objets et champs de recherche investis par la sociologie clinique. La spécificité de cette approche tient à la façon d'appréhender et d'analyser les phénomènes sociaux et psychiques, dans une perspective à la fois théorique (elle articule la compréhension des processus sociaux à celle du sujet jusque dans ses processus intrapsychiques) et politique (elle pose au-delà de la critique, la nécessité d'une clinique du social et l'accompagnement des processus de subjectivation).
Les chercheurs du Laboratoire de Changement Social et Politique (LCSP) de l'Université Paris Diderot qui inscrivent leurs travaux dans une orientation clinique en sciences sociales, organisent régulièrement des séminaires "Histoires de vie et choix théoriques". Des scientifiques y sont invités à livrer un récit autobiographique à partir de la consigne : "Quel rapport faites-vous entre votre histoire (personnelle, familiale, sociale) et vos choix théoriques, épistémologiques, méthodologiques ?"
Pourquoi le djihadisme exerce-t-il une telle séduction sur certains jeunes ? Que faire de ceux qui se sont radicalisés ? Comment empêcher d'autres jeunes de basculer dans la radicalisation ? Ce livre défend une conviction : toute démarche de prévention doit associer les jeunes et les familles qui ont été confrontés à la radicalisation pour dissuader ceux qui souhaitent emprunter ce chemin. Les témoignages de Mansour, de Marie, d'Éric, de Tia et d'autres permettent de comprendre en profondeur leurs parcours, leurs motivations, leurs revirements et pourquoi le djihadisme séduit des jeunes en quête de sens, de place, d'aventure. Les récits des mères de djihadistes révèlent la détresse des familles, déchirées entre leur loyauté affective et un sentiment dévastateur de honte. Ils révèlent aussi leur besoin d'agir, de s'associer à la lutte contre la violence. Ils permettent d'explorer les sources du « choix » djihadiste et les moyens de l'éviter. L'approche préventive développée dans ce livre a été initiée en Belgique. Elle rencontre un intérêt croissant en France. Vincent de Gaulejac est professeur émérite à l'université Paris-VII-Diderot. Président du Réseau international de sociologie clinique, il est l'auteur d'une vingtaine de livres, notamment Les Sources de la honte et La Lutte des places. Isabelle Seret est journaliste, sociologue clinicienne formée à la victimologie. Elle accompagne des jeunes et des familles confrontés à la radicalisation pour les mobiliser dans des programmes de prévention. Le préfacier, Roland Gori est psychanalyste, professeur honoraire de psychopathologie à Aix-Marseille Université.
Quelque chose de destructeur semble à l'oeuvre dans le monde du travail. Le mal-être au travail est désormais une réalité qui touche tout le monde et partout, tant dans le secteur privé que dans le public. Suicides, dépression, burn out, harcèlement, pressions de tous ordres, on ne compte plus les signes d'un phénomène lourd et inquiétant. Doit-on s'y résigner comme si c'était une fatalité dans nos sociétés postindustrielles ? Non, répondent ensemble Vincent de Gaulejac et Antoine Mercier. Dans ce manifeste qui résonne comme un cri d'alarme, le sociologue clinicien et le journaliste invitent à réagir, à analyser les causes du malaise qui ne sont pas réductibles aux seules variables psychologiques. Ils proposent de mieux comprendre les sources du mal-être pour se donner les moyens d'en sortir au niveau individuel, collectif et politique. Comment changer un système chaotique et paradoxal qui engendre une crise permanente, banalise l'exigence du toujours plus et préconise la lutte des places comme moteur de la performance.
Entre la recherche clinique et la clinique de la recherche, cet ouvrage explore et décrit une certaine façon d'être chercheur, une conception particulière du travail scientifique dans laquelle l'implication et la distanciation se combinent en permanence. Cet ouvrage rend compte du travail du chercheur. Il décrit les ficelles du métier. Il raconte également une aventure intellectuelle et institutionnelle au sein du laboratoire de changement social : trois générations de chercheurs apportent ici leur contribution à la construction d'une orientation scientifique singulière qui prétend combiner deux postures a priori étrangères l'une à l'autre : une démarche méthodologique d'inspiration clinique, une démarche théorique inscrite dans les sciences sociales.
La sociologie clinique connaît depuis maintenant deux décennies un développement important, en lien avec la montée toujours plus forte des préoccupations et des demandes sociales sur les dimensions subjectives de la condition humaine. En témoigne la parution de nombreux ouvrages relevant de cette approche sur les thèmes les plus divers. En revanche, c'est la première fois qu'est entrepris le bilan de ses enjeux théoriques et méthodologiques : définition et analyse de son objet lui-même, autrement dit des processus sociopsychiques mais aussi de la spécificité de sa pratique (coopération étroite entre chercheurs et acteurs, co-acheminement du sens de l'expérience et de la situation ; co-construction des savoirs ; mise en travail par le sociologue lui-même de sa propre implication dans la recherche ; visée compréhensive, analytique mais aussi émancipatrice).
Le propos de cet ouvrage est de montrer la richesse de l'approche par les histoires de vie dans le champ de l'intervention. Il est écrit par des praticiens chevronnés qui sont également des chercheurs, non seulement parce qu'ils ont à coeur de rendre compte de leur pratique, d'évaluer l'intérêt et les limites de leur démarche, mais également parce qu'ils en analysent les fondements théoriques et les situent dans le champ des sciences sociales et humaines. Comme praticiens, ils expérimentent sur le terrain des interventions par le récit de vie, qu'ils adaptent en fonction des publics, des demandes, des contextes institutionnels. Vincent de Gaulejac est professeur de sociologie et directeur du Laboratoire de changement social à l'université Paris 7 et membre fondateur de l'Institut international de sociologie clinique. Michel Legrand (1945-2006), docteur en psychologie, psychologue clinicien et psycho-sociologue, était professeur à la faculté de psychologie de l'université de Louvain et aux Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur. Il enseignait l'épistémologie de la psychologie clinique et la clinique biographique. Il est décédé subitement alors qu'il mettait la touche finale à cet ouvrage collectif.
En publiant un numéro spécial sur l'histoire du LCS, le souhait des auteurs est double : transmettre un témoignage qui exprime leur gratitude vis-à-vis de ceux qui ont initié une orientation de recherche singulière qui s'est affirmée au sein de l'université autour de la sociologie clinique, et donner le goût à des jeunes chercheurs de poursuivre cette oeuvre, de s'inscrire dans la continuité de cet héritage, de le faire fructifier et de le transmettre à leur tour.