Longtemps après la chute de 1870, le souvenir du faste du Second Empire était encore vif dans les esprits, suscitant tout autant fascination et condamnation. Cette « légende noire » s'est cependant construite sur une réalité : l'importance accordée à la théâtralité du pouvoir napoléonien, gage de prospérité. Au coeur de cette mise en scène du pouvoir se trouve une institution : la Maison de Louis-Napoléon Bonaparte.
À la faveur d'un formidable travail d'archives, Xavier Mauduit livre une enquête inédite sur une institution inspirée des grandes cours royales de l'Ancien Régime, mais devant répondre aux exigences d'un temps nouveau (proximité avec le peuple, ascension de la bourgeoisie, économie budgétaire). L'auteur suit pas à pas ces hommes et ces femmes, dignitaires, employés, domestiques, qui participèrent à l'effort de légitimation du pouvoir de celui qui fut premier président de la République française puis empereur. Rivalités, logiques de carrières, jusqu'aux conditions de travail, Xavier Mauduit dresse un riche tableau social de cette Maison. Mais il lui rend surtout son rôle politique : en effet, la maison de l'empereur ne fut pas seulement l'institution en charge de l'organisation des divertissements du régime, elle participa, de ce fait, à la mise en place d'une véritable politique de l'image, essentielle pour le Second Empire.
Agrégé d'histoire, Xavier Mauduit est coauteur d'émissions et chroniqueur sur France Inter. Il a notamment publié L'Homme qui voulait tout. Napoléon, le faste et la propagande (Autrement, 2015). Sa thèse de doctorat dont est issu le présent livre a reçu le prix Mérimée en 2013.
« Sans les familles, il n'y a pas d'histoires. »
La dernière fois que Lien a vu ses parents, c'était en 1942, à La Haye, alors qu'une inconnue l'emmenait loin de chez elle pour échapper aux Allemands. Elle avait huit ans. Élevée dans l'amour d'une famille adoptive, elle a pourtant rompu avec ceux qui l'avaient protégée. Près de cinquante ans plus tard, Bart Van Es se lance dans l'exploration de ce passé. Qui était cette petite fille, cachée par ses grands-parents, avec laquelle son père a été élevé et dont personne ne prononce plus le nom ? Que s'est-il passé pendant la guerre, et après ?
Lien a aujourd'hui quatre-vingt-cinq ans, elle vit à Amsterdam, et l'enquête réparatrice de Bart Van Es va leur permettre à tous deux d'affronter leur histoire. Celle d'une enfance meurtrie par la guerre ; celle d'une famille qui dut faire face au traumatisme que la barbarie nazie sema derrière elle ; celle d'un pays qui plus que d'autres collabora à la déportation des Juifs.
Bart Van Es livre le récit bouleversant de cette vie volée, rassemblant patiemment les pièces d'un passé jusque-là effacé.
Bart Van Es est professeur de littérature anglaise à l'université d'Oxford (Royaume-Uni). Spécialiste d'Edmund Spenser et de Shakespeare, il leur a consacré plusieurs livres reconnus. The Cut Out Girl (Penguin Random House, 2018), traduit ici, a remporté le Costa Book of the Year 2018.
Traduction de l'anglais (Grande-Bretagne) par Clément Baude
L'Académie française est née au XVIIe siècle d'un double projet politique : celui de Richelieu de disposer d'un cercle de lettrés pour renforcer son autorité ; de la nécessité d'user de la langue pour achever l'unité de la France. Le petit groupe de lettrés que Richelieu rassemble sous le nom d'Académie -quarante membres - a reçu de lui l'engagement d'être un corps indépendant : un corps inscrit dans la sphère publique, mais indépendant du pouvoir politique. Indépendance et égalité des membres sont les principes fondamentaux de l'Académie. Son histoire est celle de ses rapports avec le pouvoir. Placée sous sa protection, le roi, puis les chefs de l'Etat, empereurs, présidents sont ses protecteurs. Mais l'Académie revendique toujours son indépendance vis-à-vis de son protecteur. Cette relation fut irrégulière sous la monarchie, elle se brisa sous la Révolution. Supprimée de 1793 à 1904, l'Académie ne retrouve son existence qu'en 1816 et sa pleine indépendance qu'en 2006 ! De 1940 à 1946, elle a été menacée une seconde fois de disparaître. Quel rôle peut-elle assumer au XXIe siècle, quand la culture se mondialise et même temps se fractionne au nom de toutes les revendications particularistes ?
À l'origine de la librairie Larousse, il y a d'abord un écrivain de talent doublé d'un pédagogue hors pair, Pierre Larousse (1817-1885), et un autre instituteur, Augustin Boyer (1821-1896). Installés au coeur du quartier Latin, dès 1852, ils allaient aussitôt publier les manuels scolaires rédigés par Pierre Larousse et, en 1856, lancer le Nouveau Dictionnaire de la langue française, ancêtre du Petit Larousse illustré de 1905, conçu par l'un de leurs successeurs, Claude Augé (1854-1924). Concurrent direct de Louis Hachette qui avait bouleversé le monde de l'édition scolaire vingt ans avant lui, Pierre Larousse allait encore innover en concevant le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, énorme encyclopédie en 15 volumes. Mort avant d'avoir terminé son grand oeuvre, le républicain intraitable qui avait combattu toutes les censures et milité pour la paix universelle avait fait venir auprès de lui son neveu, Jules Hollier, chargé de le seconder et de poursuivre l'entreprise. Spécialiste des dictionnaires et des encyclopédies, la librairie Larousse, désormais installée rue du Montparnasse, devait continuer à innover, tant sur le plan des énormes séries encyclopédiques que sur celui du Petit Larousse illustré, rhabillé par Christian Lacroix puis Karl Lagerfeld au XXIe siècle et vendu à plus d'un million d'exemplaires les années fastes. Présente aujourd'hui sur le net, elle prolonge ainsi le rêve utopique des fondateurs : donner à lire « à ce lecteur qui s'appelle tout le monde » plutôt qu'au petit cercle des privilégiés de la fortune.
Consulter une encyclopédie, en livre ou en ligne, est un acte familier, mais la nature du texte encyclopédique demeure mystérieuse.
L'encyclopédie est un artisanat très ancien, producteur de "miroirs du monde" tous différents en fonction des époques et des civilisations. Depuis l'Antiquité classique et chinoise jusqu'à l'ère de l'informatique en passant par le Moyen Age chrétien, l'islam, l'Europe depuis la Renaissance, puis le monde entier, l'encyclopédisme a construit nos visions et transmis nos connaissances.
En France, Diderot et d'Alembert, après Bayle, nous ont apporté un savoir critique.
Le mot encyclopédie parle d'un "cercle de l'apprentissage" ; mais le cercle s'est brisé. Le XXIe siècle est celui des ruptures et de la déconstruction.
Ce livre résume et commente l'aventure des savoirs humains ainsi concentrés et transmis, leur mondialisation par la "science" et les problèmes qu'elle pose.
C'est en pratiquant l'artisanat du dictionnaire, après sa rencontre avec Paul Robert, qu'Alain Rey trouva un lien entre ses diverses passions : science, musique, histoire de l'art, philosophie, littérature...
Cet exercice le conduisit en outre vers la linguistique et la science du signe, autant d'outils pour revenir, mieux armé, vers ses anciennes amours.
Alain Rey a obtenu le Prix de la Biographie de l'Académie française pour son ouvrage Antoine Furetière (Fayard, 2006).
Bon observateur de la grande pauvreté à laquelle il a consacré plusieurs livres, André Gueslin traite ici de ces hommes et femmes repoussés en cours de vie aux marges du corps social, voire relégués au-delà ; bref, les marginaux et les exclus. S'appuyant sur de nombreuses sources historiques, sociologiques et littéraires, il décrit le monde des errants - du Moyen Age à nos jours - d'abord identifiés dans l'histoire à des vagabonds, puis aux XXe et XXIe siècles, aux clochards et aux SDF. Ce monde d'en bas, pour ne pas dire des bas-fonds, procède d'un mal de vivre et de difficultés de toutes sortes : l'absence de travail et de toit, la faim et diverses autres carences... Pourtant, le caractère ambivalent des représentations que suscitent ces pauvres gens frappe à la fois par une image doloriste certes, mais encore par une perception lumineuse, et même de bonheur. Dans cet ouvrage richement documenté, André Gueslin analyse les deux pôles sociaux de ces représentations, d'une part les errants et d'autre part les nantis, le but ultime étant peut-être de provoquer le sentiment personnel du lecteur.
" J'assure Votre Dilection que, si ses écrits pouvaient être imprimés, ils se vendraient comme des petits pains! " écrit la Palatine à sa tante et correspondante Sophie de Hanovre, électrice et mère du premier roi hanovrien d'Angleterre. Sophie avait beau protester: " Ma plume ne va pas si bien que ma langue ", ses Mémoires et sa correspondance, écrits en français, comptent en réalité parmi les textes les plus colorés et les plus pétillants du Grand Siècle. Il conviendrait de lui réserver, dans le panthéon littéraire louis-quatorzien, une niche entre le cardinal de Retz et Mme de Sévigné.
Jamais publiés auparavant en France et en partie inédits, ses Mémoires comme ses Lettres de voyage en Italie et en France frappent par leur écriture directe, leur fraîcheur et leur indépendance d'esprit. En un mot, par leur surprenante modernité. Leibniz, bibliothécaire et confident de Sophie, note sur sa copie manuscrite des Mémoires (la seule qui nous soit parvenue): " Le style paraît simple, mais il a une force merveilleuse. " Le lecteur découvre en effet un tableau haut en couleur des cours princières hollandaise, allemandes, italiennes, et danoise du XVIIe siècle, sans oublier Venise et la cour de Louis XIV dont la princesse-touriste brosse " en direct " un portrait à la fois pénétrant, ému et féroce.
Dirk Van der Cruysse est professeur à l'université d'Anvers. Il est l'auteur de deux livres sur Saint-Simon, d'une biographie quatre fois couronnée de Madame Palatine (Fayard, 1988) et d'une édition critique de ses Lettres françaises (Fayard, 1989). Il prépare un Louis XIV et le Siam.
Dès la fin du xviiie siècle les Auvergnats étaient nombreux à Paris et leur nombre n'a cessé de s'accroître jusqu'à nos jours. Ils ont exercé toutes sortes d'humbles et durs métiers : ferrailleurs, frotteurs de parquets, laitiers, porteurs d'eau. Mais peu à peu ils ont trouvé leur voie : celle du petit commerce où leur travail et leur sens de l'économie pouvaient faire merveille. Leur domaine d'élection a été le commerce des "vins et charbons" ; le "bougnat" auvergnat est devenu un personnage essentiel de la vie des quartiers de Paris. Leurs ambitions se sont naturellement accrues ; ils ont investi tout le secteur de la "Limonade" ; c'est à eux que Paris doit ces cafés grands et petits, ces brasseries, ces restaurants qui font partie de son charme incomparable.
Les Auvergnats de Paris n'oubliaient pas le pays natal où ils comptaient bien se retirer un jour. Ils se sont organisés en amicales, ont créé leurs propres journaux et ont maintenu le folklore auvergnat : les bourrées dansées au son de la cabrette dans les bals-musettes. Leurs enfants continuent souvent l'activité paternelle, mais on les retrouve aussi dans les professions libérales ou à la tête de grandes entreprises. Avec eux, l'épopée auvergnate, celle des montagnards qui sont partis conquérir Paris, se continue sous nos yeux.Roger Girard, fils de bougnats devenus buralistes, est professeur agrégé d'Histoire.
Les Liaisons dangereuses paraissent le 7 avril 1782. En quelques jours, on s'arrache le roman chez les libraires. Est-ce le catéchisme d'un moraliste ou le bréviaire d'un libertin ? L'opinion publique se divise et chacun cherche à découvrir les personnes qui se cachent derrière les héros. L'auteur est Pierre-Ambroise Choderlos de Laclos, officier d'artillerie. C'est à peine si le public le connaît pour un opéra-comique dont il écrivit le livret et qui fut un « four ».
Sa vie pourtant est un roman : homme de lettres, il devient politique. Conseiller du duc d'Orléans en 1789, est-il un citoyen vertueux désireux de réformer l'état et la société ou bien, « Homme noir », un « roué » qui fomente des complots et organise des insurrections ? Directeur du Journal des Amis de la Constitution, il est l'un des membres importants du club des Jacobins. Militaire, il aide Danton à défendre Paris en septembre 1792 et contribue à la victoire de Valmy. Savant, il invente le boulet creux : l'obus moderne. Homme des Lumières, il rêve d'une cité où la femme trouverait la place qu'elle mérite.
En 1793, victime de la Terreur, il connaît les geôles et l'angoisse du petit matin des exécutions. Dans la correspondance qu'il entretient alors avec sa femme, il apparaît bon époux, bon père et révolutionnaire malgré tout. Sous le Directoire, il est haut fonctionnaire et participe à la prise de pouvoir de Bonaparte. Celui-ci le réintègre dans son grade de général et l'envoie en mission en Italie où il meurt le 5 septembre 1803. « Enfer et ciel mêlés », lumières ici, ombres là, homme-labyrinthe, Laclos est un séducteur qui, à deux siècles de distance, captive encore.
Jean-Paul Bertaud, professeur émérite en Sorbonne (Paris-I) qui a publié notamment chez Fayard une biographie du Duc d'Enghien et le premier volume d'une Nouvelle histoire militaire de la France, cerne les mille facettes de l'auteur d'un best-seller qui reste le modèle du roman épistolaire en France.
«Liberté, égalité, surveillance»: cette devise des documents officiels sous le Premier Empire illustre les paradoxes de notre temps. Car nul ne peut douter que l'État se renseigne et nous surveille encore. La création de nouveaux fichiers de police, les projets de loi sur la vidéosurveillance et le discours sur la «sécurité globale» dans les récents Livres blancs démontrent l'implication des pouvoirs publics.
Derrière ces mots se profile ce qui est nommé dans cet ouvrage l'«État secret», une réalité incarnée par les bureaucraties du renseignement et de la surveillance. Depuis le xixe siècle, le renseignement est devenu une fonction de l'État, acceptée - discrètement - par tous les régimes successifs. Pourtant, le libéralisme et la démocratie, en offrant à tous le spectacle de la politique, ont fait surgir des tensions jamais surmontées depuis lors autour des pratiques liées à l'espionnage.
Au-delà des légendes et des procès faits à l'État, Politiques de l'ombre livre une réflexion inédite et essentielle sur la naissance de nos agences contemporaines de renseignement. Il éclaire autrement la politique en invitant à réfléchir sur la compatibilité du secret et de la démocratie.
Sébastien Laurent est maître de conférences habilité à l'université de Bordeaux. Il enseigne également à Sciences-Po Paris. Spécialiste du politique, il dirige un programme de recherche de l'Agence nationale de la recherche (ANR) sur le renseignement.
L'importance de l'histoire pour la vie et l'oeuvre de Chateaubriand, ainsi que l'attachement de l'auteur des Mémoires d'outre-tombe et du Congrès de Vérone à défendre un rôle et une carrière politiques qui culminèrent durant les années 1818-1830 ne peuvent être surestimés : il y allait, pour un écrivain qui s'est « rencontré entre deux siècles comme au confluent de deux fleuves », de son identité. Mais quel contraste offrent cet attachement et cette importance avec ses déclarations de détachement profond de la politique (« La chaleur de mes opinions n'a jamais excédé la longueur de mon discours ou de ma brochure ») ou ses méditations sur la vanité de l'histoire (« Les événements effacent les événements ») !
En suivant la chronologie de l'oeuvre, l'auteur retrace l'élaboration progressive par Chateaubriand d'une relation difficile mais grandiose entre l'histoire générale et son histoire intime, celle de ses « songes », tendue par une réflexion sur le temps et le devenir. Cette élaboration aboutit à la création d'une figure, l'auteur-sujet des Mémoires d'outre-tombe, de part en part temporelle (« Je ne suis plus que le temps »), libre et tournée, plus encore que vers le passé, vers l'avenir, le nouveau, le possible.
Bernard Degout, docteur HDR en littérature, est directeur de la Maison de Chateaubriand (Domaine départemental de la Vallée-aux-Loups). Particulièrement intéressé par les rapports entre histoire, littérature et politique sous l'Empire, la Restauration et la monarchie de Juillet, il est l'auteur de nombreux articles, a participé à des éditions de correspondances et à plusieurs ouvrages collectifs ; il a notamment publié Le sablier retourné (1998) et Victor Hugo au sacre de Charles X (2003).