On prétend parfois que l'« homme occidental » serait le seul être humain pouvant vivre sans mythes. Il n'en est rien.
À l'aune d'une lecture inédite de l'Ancien Testament, Ron Naiweld nous plonge dans ce grand mythe, support de la rencontre, fondatrice pour l'Occident, de la Bible et de la philosophie. Contre le récit traditionnel d'un dieu créateur unique et tout-puissant, sa lecture fait émerger une autre histoire. Son héros est un dieu motivé par le désir d'être reconnu comme tel par les hommes. Avec le temps et au contact des empires assyrien, babylonien et perse, le dieu développe son intelligence politique. Il apprend la puissance du peuple, l'utilité de l'ordre impérial et, de sa rencontre avec la pensée grecque, l'intérêt de l'idée monothéiste. Mais c'est avec saint Paul qu'il assouvit pleinement son désir.
En suivant pas à pas l'histoire de ce dieu, cet essai fascinant montre comment, à force de torsions, de relectures, d'appropriations, le mythe d'un peuple marginal dans la fabrique culturelle du monde ancien est devenu l'un des mythes fondateurs de la civilisation occidentale. Comment Yahvé est devenu Dieu.
Historien du judaïsme ancien au CNRS, Ron Naiweld a notamment publié Les antiphilosophes. Pratiques de soi et rapport à la loi morale dans la littérature rabbinique classique (Armand Colin, 2011).
Le génie de Muhammad est communément admis chez les modernes, qu'ils soient chrétiens ou musulmans. Il faut préciser que ce génie a peu à voir avec l'oeuvre sociale et politique réformatrice du Prophète. L'essentiel réside dans sa disposition à répondre à l'appel intérieur et à sa vocation à dire la Révélation aux hommes, à leur transmettre la présence au monde de l'Être- Dieu et à les avertir du Jugement dernier. L'homme Muhammad eut l'insigne privilège et le génie de recueillir le Message de l'outre-monde spirituel et de le traduire en mots terrestres, tant il est vrai que seuls les hommes parlent aux hommes.
Muhammad fait partie de ces hommes qui ont modelé la conscience humaine, enrichi la civilisation et élaboré le patrimoine éthique de l'humanité ; de ceux-là qui ont contribué au dépassement par l'homme de sa condition animale. Il fait partie de ces guides si rares dans l'histoire ayant doté le monothéisme de son expression la plus élevée, tout au moins du point de vue anthropologique. Témoin de Dieu, il témoigne aussi pour la communauté des croyants. La vérité de la Prophétie muhammadienne réside, en son essence, dans ce témoignage.
Premier volet d'une trilogie, ce livre se rapporte au parcours du prophète Muhammad et à la naissance de l'islam. Il a pour ambition d'approfondir les notions de Révélation et de Prophétie concernant l'islam mais aussi les autres religions. Ouvrage d'histoire comparée, il s'appuie sur une grande érudition et développe un esprit d'empathie compréhensive à l'égard de toutes.
Dans cet essai, Marie-Françoise Baslez explique comment les évêques des premiers siècles, que leurs lettres révèlent comme des hommes de relation et d'échange, ont peu à peu structuré un christianisme éclaté et pluriel. On y découvre une « Église des réseaux », construisant son unité dans la diversité, en communion par la communication. Ces évêques furent de grands épistoliers, qui écrivaient à leurs communautés des lettres informatives et réactives, surtout dans les moments de crise, et qui s'écrivirent beaucoup entre eux en créant les conditions de fonctionnement d'une Église synodale.
Rapportant les débats, affrontements et ruptures qui agitaient les chrétientés locales, les correspondances épiscopales, souvent peu connues et en partie inédites, donnent accès à un monde complexe et foisonnant en posant les fondations d'un gigantesque édifice, l'Église catholique.
Après Saint Paul (Fayard, 1991, 2013), Les persécutions dans l'Antiquité, victimes, héros, martyrs (Fayard, 2007, prix Chateaubriand) et Comment notre monde est devenu chrétien (Points-histoire, 2011), Marie-Françoise Baslez, historienne des religions, professeur émérite à l'université de Paris Sorbonne, publie Les premiers bâtisseurs de l'Église, qui vient enrichir une synthèse sur l'histoire des premières communautés chrétiennes et du christianisme primitif.
Ce troisième tome de La Vie de Muhammad se lit comme une véritable épopée, puisqu'il couvre tout à la fois l'exil du Prophète et de ses maigres adeptes vers Médine, la façon dont il fait de cette ville la base d'une conquête qui s'étendra, après le retour victorieux à La Mecque, à la péninsule arabique tout entière. Avec son érudition sans pareille, un sens du récit qui emporte le lecteur, un regard critique aiguisé porté sur les sources, Hichem Djaït offre du Prophète un portrait associant de manière saisissante l'homme inspiré par la Parole divine et le stratège averti des réalités de terrain, capable en une poignée d'années de réduire à merci, en les divisant et les neutralisant, tribus réfractaires, infidèles, juifs et non-croyants.Grand historien de l'islam, Hichem Djaït a publié récemment aux Éditions Fayard La Crise de la culture islamique.
La Prédication de Muhammad à La Mecque : nous avons choisi ce titre dans le souci de souligner l'historicité de la Prédication, saisie dans le milieu, l'environnement immédiat et le monde qui l'ont vu naître.
Cet ouvrage est le deuxième tome d'une trilogie sur La vie de Muhammad*. Il traite de « l'itinéraire » muhammadien à La Mecque depuis sa naissance jusqu'à l'Hégire (l'Émigration) ; c'est-à-dire de ce que Ibn Ishãq a appelé le « mab`ath » - qu'on peut rendre par « la levée prophétique » -, terme précis qui tranche avec le contenu des ouvrages de Maghãzi (campagnes, guerres prophétiques).
La notion d'itinéraire dépasse la seule biographie, même entendue au sens large, pour englober l'ambiance locale ainsi que l'arrière-plan mondial dans lesquels la Prophétie est apparue. Le plus important demeurant, à nos yeux, la Prédication en elle-même, son évolution plus ou moins heurtée tout au long de cette période mecquoise et la pensée qu'elle a colportée et telle qu'elle transparaît principalement à travers le Qur'ãn.
En effet, ce travail est différent du premier tome qui était avant tout une recherche sur l'essence de la Révélation et de la Prophétie, à mi-parcours entre l'approche philosophique -théologique et métaphysique - et l'histoire. Notre souci était de développer sur la question le point de vue d'un penseur musulman d'aujourd'hui.
Ce deuxième volet propose un changement de cap. Il s'agit de s'en tenir à l'angle de vue strictement historien sur un sujet extrêmement sensible puisqu'il touche à la croyance et au surnaturel. Or, l'histoire est une science positive, terrestre, qui a pour objet l'action passée des hommes et des sociétés humaines. Comme telle, elle se déprend délibérément de toute foi et de toute croyance.
Notre démarche se veut précisément à mille lieues de toute idéologie. Loin de nous l'idée de démolir l'islam jusque dans ses fondations ni à l'inverse d'illustrer ses signifiances premières. Ni à charge, ni à décharge, notre propos n'est pas de plaider la cause du Prophète contre un orientalisme injuste à son endroit ou une opinion occidentale conditionnée par une tradition séculaire d'hostilité au Prophète de l'islam.
Les livres sacrés et les rites des grandes religions du monde entretiennent d'étroites relations avec les boissons fermentées.
L'euphorie voire l'ivresse qu'elles procurent sont réputées favoriser l'accès au divin - seuls les musulmans doivent attendre le paradis pour jouir de leurs bienfaits. Vin, bière, saké, pulque, vin de palme sont au coeur des cultures animiste, polythéiste, chrétienne ou bouddhiste. L'Eucharistie, qui invite les fidèles à communier au sang du Christ sous les apparences du vin, est à l'origine de la diffusion mondiale de la vigne jusqu'à l'équateur et aux confins du cercle polaire. L'histoire et la géographie des boissons fermentées sont intimement liées à celles des civilisations. C'est à ce titre qu'elles intéressent tout un chacun, croyant ou non, oenophile ou non.
Benoît XVI, expert au concile Vatican II, un des deux seuls cardinaux survivants du pontificat de Paul VI, théologien prolixe et lumineux, collaborateur - pessimiste aux yeux des uns, réaliste aux yeux des autres - de Jean-Paul II, a été chargé de faire entrer dans le troisième millénaire l'histoire tragique de l'Église du XXe siècle dominée par un concile indispensable et utopique.
L'humanité ne se nourrit pas que de pain ! Les affrontements permanents qu'a connus le monde chrétien depuis quinze siècles au moins (et on trouve quelques signes annonciateurs dans l'Ancien Testament) sur le péché et sur la grâce le montrent surabondamment. Si le Christ est mort sur la Croix pour racheter les péchés du monde, est-ce pour sauver toute l'humanité ?
Le baptême, qui efface le péché transmis de génération en génération depuis la faute d'Adam, suffit-il pour faire le salut éternel de tous, ou bien Dieu opère-t-il entre les hommes un choix - une « élection » - en vertu de critères qui relèvent de Lui seul ?
À peu près toutes les controverses théologiques qui ont agité le christianisme - occidental et dans une moindre mesure oriental - tournent depuis le IVe siècle autour de ces thématiques. On y trouve des figures illustres comme Augustin d'Hippone, Thomas d'Aquin, Luther, Jansénius, Pascal, mais aussi une foule de controversistes aujourd'hui bien oubliés, mais qui ont alimenté le dossier à leur façon.
À lire la synthèse passionnante et vivante de Bernard Quilliet, on se prend à penser que l'Histoire est faite d'événements, de guerres, de conquêtes, mais aussi que les idées également peuvent provoquer le bruit et la fureur.
Ils avaient entre vingt et trente ans quand leur existence a été foudroyée. Et pourtant, ces filles et ces garçons, disparus si vite, illustrent l'incroyable capacité de la jeunesse du XXe siècle à maintenir, même dans les pires moments, la joie et la générosité. Leur exemple a conduit l'Eglise catholique à ouvrir une procédure pour en faire des saints.
Pierre Lunel raconte ces destins : Claire de Castelbajac et Chiara Luce, toutes deux malades, illuminent la vie de ceux qui les ont connues jusqu'au bout. Chrysostome Chang, trappiste chinois, et Marcel Van, dominicain vietnamien, subissent la persécution pour avoir voulu croire. Il y a même un condamné à mort, Jacques Fesch, dont les derniers jours sont l'histoire d'une rédemption et d'un don de soi. Chacune de ces vies prouve l'importance de l'engagement et dévoile son sens.
Dans un style émouvant, Pierre Lunel nous donne ainsi une belle leçon de résistance à l'accablement du monde.Professeur à l'université Paris-VI (Pierre et Marie Curie), Pierre Lunel est spécialiste de droit canon et a écrit de nombreux ouvrages, notamment avec l'abbé Pierre.
Quels cheminements conduisent un historien chrétien, en raison même de ses recherches, à intervenir dans le présent de l'Église ? La réponse apparaîtra à la lecture des dossiers réunis dans ce livre. Ils se répartissent en deux ensembles : le premier évoque à la fois le vécu religieux à la sortie du Moyen Age et l'immense peur de l'hérésie ressentie alors par l'Église ; le second saisit la Réforme catholique en action à travers miracles et missions et grâce à la radioscopie d'une congrégation féminine.
Quelques questions majeures ressortent de ces enquêtes convergentes (qui ne négligent pas d'interroger le théâtre comique) : christianisme et magie sont-ils conciliables ? En terre chrétienne, au XVVle siècle, y avait-il des agnostiques ? Quelles furent les causes lointaines de la déchristianisation ? L'auteur du Christianisme va-t-il mourir ? et de La peur en Occident se déclare convaincu que dans l'ancien modèle de christianisme - celui de l'Église-pouvoir - la christianisation était moins forte qu'on ne l'a cru et donc qu'aujourd'hui la déchristianisation n'a pas les dimensions qu'on lui accorde d'ordinaire.
Ce Chemin d'histoire débouche ainsi sur l'espoir.
En dépit, ou peut-être en raison de la déchristianisation de notre époque, l'histoire religieuse est l'un des domaines de recherches les plus florissants. Ce livre qui vient clore les années d'enseignement de Jean Delumeau au Collège de France réunit les témoignages de vingt-cinq historiens chrétiens dont les travaux sont orientés sur le passé de l'Eglise. A travers leurs divers engagements, ils évoquent les exigences réciproques de leurs convictions religieuses et de leur discipline, montrant comment leur familiarité avec l'histoire du christianisme a influencé leurs prises de position de croyant. Loin d'être incompatibles, la foi et l'histoire peuvent et doivent s'enrichir. L'avenir du christianisme lui-même n'est-il pas lié à sa réconciliation avec la modernité, c'est-à-dire avec l'esprit scientifique .et la tolérance?
Ont participé à cet ouvrage : Marcel Bernos, Alain Cabantous, Pierre Chaunu, Gérard Cholvy, Bernard et Monique Cottret, Jean Delumeau, Alexandre Faivre, Jacques Fontaine, Michel Lagrée, François Lebrun, Nicole Lemaitre, Marc Lienhard, Jean-Pierre Massaut, Georges Minois, Michel Mollat du Jourdin, Pierre Pierrard, Claude Prudomme, Jean Quéniart, Francis Rapp, René Rémond, Pierre Riché, Claude Savart, Marc Venard, Bernard Vogler.
La tradition intellectuelle française a distingué et parfois opposé deux étapes du métier d'historien : la quête des sources et la quête du sens. Distinction opératoire, voire salutaire, si elle ne s'accompagnait d'une distribution des rôles et d'un jugement de valeur. Qualifiée du terme d'« érudition », la première se devait de fournir le matériau susceptible d'alimenter la seconde. Les disciplines érudites se trouvèrent réduites au rang de « sciences auxiliaires » de l'histoire. Une telle partition fonctionnelle marque de manière rémanente le paysage universitaire français et, parfois encore, les esprits. Fort heureusement, elle est le plus souvent réfutée par la pratique des gens de métier. En voici une très éloquente illustration.
À propos d'un sujet d'une extrême complexité, la « question franciscaine » (sur quelles bases solides peut-on écrire la vie de François d'Assise ?), le médiéviste Jacques Dalarun ouvre au lecteur la porte de son atelier : son livre met longuement en oeuvre les ressources de l'érudition, puis vient la tentative de résolution historique du dossier. Elle n'assène pas une vérité définitive ; elle ne s'abrite pas plus derrière de multiples conditionnels. Elle se présente comme trois scénarios alternatifs énoncés avec une égale conviction. Cette irruption incongrue de ce qu'on appelait jadis le « nouveau roman » dans un livre d'histoire ne procède pas d'une coquetterie littéraire. Elle est le moyen, le seul, qui est venu à l'historien de dire la difficulté d'écrire une histoire par nature en quête de vérité, au moment où il lui a fallu quitter le sentier balisé, rassurant dans sa rigueur même, de la recherche et de l'établissement des sources pour basculer dans l'espace infiniment plus incertain de leur interprétation. Cela n'infirme en rien la conviction selon laquelle l'historien doit, sans pour autant en confondre les étapes, réconcilier par la pratique les diverses facettes du métier. Mais disons que le transfert et le dépassement d'un clivage opérationnel et, par suite, institutionnel dans une pratique individuelle peut parfois prendre des allures de psychomachie.