Les conquêtes culturelles sont à la fois les plus anciennes et les plus durables. À de très rares exceptions près, celle que le vin a amorcée depuis le vie millénaire au Proche-Orient se poursuit: ne voyons-nous pas s'ouvrir à la consommation de vin des pays comme la Chine ou l'Inde, suivant en cela le Japon?
Breuvage des peuples païens mais aussi du peuple hébreu dans l'Antiquité, boisson sacrée du christianisme, il a accompagné l'expansion de cette religion sur la planète entière (jusqu'au Nouveau Monde et en Océanie avec les premiers évangélisateurs), et n'a rencontré qu'un seul obstacle, certes de taille, l'islam. Là où il a perdu son caractère religieux, il est resté une boisson de haute culture et de sociabilité. Aujourd'hui, on en boit et on en produit un peu partout, et comme les façons de cultiver et les méthodes de vinification font davantage les grands vins que la nature, l'Europe (et singulièrement la France) doit rester vigilante et imaginative.
Avec l'arrivée du vin dans les pays les plus inattendus, c'est à une autre mondialisation que nous assistons, non pas celle des délocalisations et des pertes d'emploi dans les pays riches, mais une mondialisation heureuse qui favorise la chaleur humaine et le dialogue entre les peuples.
L'humanité n'a pas fini d'épuiser les bienfaits du vin!
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques et président de l'université Paris IV-Sorbonne de 2003 à 2008, Jean-Robert Pitte est l'auteur de nombreux ouvrages de géographie culturelle parmi lesquels, chez Fayard, Terres de Castanide (1986), Gastronomie française (1991), Le Vin et le divin (2004), Géographie culturelle (2006) et À la table des dieux (2009).
L'arbre grandit et grossit, dépérit, brûle ou casse (on l'a encore constaté en janvier 2009 dans le Sud-Ouest de la France). Ces phénomènes reflètent le nombre des années ou la colère des cieux. Voilà 400 millions d'années qu'il démontre ses capacités évolutives. Il connaît le sort de tous les vivants : l'éloignement des anciens conditionne le développement des jeunes - leçon de tout temps difficile à admettre. Mais si les individus meurent, l'espèce demeure.
Pourtant, inerte, l'arbre semble immuable, immortel même. Son espérance de vie excède celle des hommes et des animaux. Comment imaginer qu'un sujet si familier puisse disparaître ? Comment ne pas honorer un individu très vieux ? Comment ne pas lui attribuer des pouvoirs extraordinaires ? Comment ne pas conserver, parfois à tout prix, ce témoin de notre existence ? Il la rappellera peut-être lorsqu'elle sera éteinte.
Jadis, les arbres furent des dieux ou des messagers. Naguère, ils fournissaient de quoi soulager les gens souffrants, combattre les maladies, éviter le malheur, obtenir le bonheur. Hier encore, en plantant un arbre, l'homme célébrait la naissance et le
mariage ; il espérait la prospérité de la famille et la tranquillité de l'au-delà. Mais aujourd'hui, victimes des pollutions et des déboisements, les arbres n'écartent plus tous les maux de la terre : ils les dévoilent.
Sans conteste, l'arbre est un objet d'histoire fascinant. Cette histoire-là, trop mal connue du public, réserve des surprises
innombrables et est souvent plus prenante que celle de beaucoup de personnes ou de collectivités humaines.
Directrice de recherche au CNRS, présidente du Groupe d'histoire des forêts françaises (GHFF), spécialiste de l'histoire des forêts et de la place du bois dans la civilisation occidentale, Andrée Corvol a déjà publié, chez Fayard, en 1987, L'Homme aux bois. Histoire des relations de l'homme et de la forêt (xviie-xxe siècle).
Pourquoi la France est-elle le royaume de la gastronomie ? Grâce à son terroir opulent si généreux. Dès la Renaissance, chaque région a sa spécialité, source de fierté, de rentabilité. Cette histoire de richesses et de voluptés commence dans les couvents qui seuls peuvent déchiffrer les manuscrits du cuisinier Apicius ou les Tables de Santé des médecins de Bagdad, arrivées en Espagne conquise par les Arabes. Les moines possèdent également les vignes. Rois et princes comprennent vite le pouvoir qu'ils peuvent tirer de ces nouveautés. Vatel provoque la jalousie de Louis XIV en mettant en scène les fêtes de Fouquet. Il est le premier de nos maîtres d'hôtel. Les petits soupers du XVIIIème participent au génie de l'époque avec la sauce Soubise aux oignons et la Béchamelle du marquis du même nom. Devant leurs fourneaux, les chefs écrivent les premiers livres de cuisine. La révolution met à la rue rôtisseurs et pâtissiers des grandes maisons, qui créent au Palais-Royal les premiers restaurants. Leurs clients sont les députés de la Constituante arrivés de Versailles. Talleyrand lance le génial Carême, qui écrit après Waterloo les premiers livres de pâtisserie du monde, crée la toque et ouvre la porte à la grande cuisine du XIXème à des chefs comme Escoffier. Derrière ces génies se tient souvent une grand-mère. Les lyonnaises prennent, elles, le pouvoir des casseroles avec la mère Brazier, première femme à obtenir ses trois étoiles Michelin en 1933. Les Bocuse, les Chapel, avec Michel Gérard, jettent les bases de la nouvelle cuisine, cette gastronomie française sans cesse réinventée jusqu'à aujourd'hui.