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Le Dilettante
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Non pas le temps qu'il fait. Non plus le temps qui passe. Mais le temps qui s'arrête, le temps en moins. Comment ça marche ? La Méthode Sisik vous donne la recette.
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Bon sang ne saurait mentir. Il y a pourtant des cas, extrêmes, où votre sang vous trahit. C'est ce que manque d'expérimenter Véronique Cordier, mère de famille divorcée et membre convertie des Témoins de Yahweh et, à ce titre, infatigable démarcheuse évangélique et démonstratrice biblique. Salement percutée à un carrefour, gisant sur le billard, sa vie ne tient plus qu'à un fil qui prend hélas l'aspect maléfique d'une perfusion. « Le sang de ton prochain, jamais ne siphonnera », proclament les Témoins, nul ne va outre. Une limite que finissent par mordre Éphèz et Isa, ses propres rejetons, donnant feu vert à une médecine qui, au final, ne franchira pas la ligne rouge. Un sang, d'ailleurs, dont ils n'ont guère cure : l'un dessinateur de BD, pur traceur et encreur strict, l'autre étant militante végane. L'événement ayant secoué la vie du trio, et après la visite à l'appartement maternel submergé par la propagande religieuse, les enfants se mettent à réinterroger la personnalité de leur mère. C'est là qu'intervient le talent redoutable de Frédérick Houdaer, nous montrant comment l'intégrisme biblique de la mère, sa folie compacte rayonnent, pèsent et contaminent leurs vies. Une angoisse sourde, un malaise latent qui, masqués par la fausse décontraction du récit, amènent à un dénouement inattendu. Qu'il soit bon ou mauvais, votre sang ne vous lâche pas, c'est sans doute la morale de cette singulière histoire.
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Flâneur méthodique, Robert Giraud peaufine son errance. Il passe Paris à gué, zinc après zinc, dans tous les sens. Par instants, dans le gris flux du propos courant, il entend scintiller l'eau d'un mot exquisément verdoyant. Des échantillons ? Pour la Faune, voici l'arche : l'abeille, l'ablette, l'anchois, l'âne, l'anguille... D'autres encore volent ou rampent, marchent ou sautent et renvoient au secret des dames, à l'ardeur des messieurs, aux manigances de tout le monde. Pour la Flore, c'est un herbier verbal : l'acajou, l'ail, l'amande, l'asperge, etc., de quoi s'entre-jardiner jusqu'au soir, et pour les mêmes raisons.
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Anonyme, envahissant, le poncif rembourre le discours, colmate les silences. Pris dans la banalité comme une bave durcie, le mot et sa chose deviennent alors ces perles ternes, et grises : faux départs, grenades au plâtre et coquilles creuses. Autant clore cette fantaisie de Paucard, le banalyste jovial, per le plus désespéré des fermoirs : Idées reçues : tout le monde en énonce.
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Amour, passion, étreintes torrides, enlèvement, coups de feu, tortures ignobles, trahisons, évasion spectaculaire, go-fast échevelé, trafic d'or, mafia albanaise, paradis fiscaux, rottweiler féroce, droits de l'homme, émancipation de la femme, défense des minorités, rien ne manque. Et surtout pas l'ironie.
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Sans trêve, pattes écartées, le Grand Mouton urine sur la ville. Il délaie, délave et détrempe. Dans le même bain, cabanes et gens perdent leurs fraîches couleurs et se ternissent. Une seule teinte pour le tout : la pisseuse. Joseph Cagnieux, le héros pâle de mon roman, ne sait pas vivre. Son père lui montre inutilement la voie. Joseph se sent personnellement visé, alors que la bête ne fait que remplir honnêtement les devoirs de son office... Or, il n'est pas cinquante manières de vivre : Ou barboter avec le courant pour se maintenir à la surface, au petit bonheur comme les amis et les connaissances. Ou se croire très fort et essayer d'aller contre, pour, sur l'instant, y renoncer avant d'être renversé, enlevé, noyé et englouti. Ou s'entêter et être renversé, emporté et englouti. Cagnieux, à raison ou à tort, s'entête... Henri Calet.
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« Chaque homme dans sa nuit s'en va vers sa lumière / La seconde âme en nous se greffe à la première », a édicté un beau jour, se ratissant la barbe d'une main auguste, le père Hugo. Bien beau tout cela, marmonne et maugrée Samuel Goldblum, notre héros, mais quelle nuit choisir pour s'y fondre ? Dans quelle ombre propice refonder sa vie ? Et puis quelle foutue âme est donc la mienne ? Rejeton frondeur d'une famille juive de Clamart, romancier au succès en pleine détumescence houspillé par une éditrice foutraque et capiteuse, Goldblum backroome en roue libre dans les nuits pouacres du gay Marais. Mais le désenchantement menaçant, il opte pour un réenracinement loin de Maman et des moustachus. Le voilà plongé (entendez à la plonge), à Brooklyn, sans un sou, dans les nuits de Williamsburg (son pont, ses hips et ses hassidims), famélique otage d'un impitoyable pizzaiolo. Fuyant ce cauchemar à calzone, à la rue il est sauvé de la voirie par une famille de juifs religieux au centre de laquelle flamboie Rébecca la rousse, un vrai pique-nique de soleil. L'âme enluminée par la lecture du Zohar et les reins bizarrement embrasés par la fille de la maison, il se croit un temps sur la voie du salut. Que nenni, une nuit il se fait la belle, l'autre, et retourne aux fièvres new-yorkaises hantées par les fantômes de la Beat Generation. Pour finir, back to Paris, avec dans la musette Les Nuits de Williamsburg, enfin de quoi se ragaillardir la plume. Porté par une prose turgescente et une gouaille enfiévrée, le roadbook folâtre et initiatique d'un « noctambule affreux vivant à bout portant ». Vital.