Deux soeurs pour deux rois.Au XIIIe siècle, deux jeunes femmes issues de la prestigieuse lignée des comtes de Provence, Marguerite (1221-1295) et Éléonore (1223-1291), connaissent une destinée à laquelle rien ne les préparait. La première, en épousant Louis IX (Saint Louis) en 1234, devient reine de France, tandis que la seconde, s'unissant à Henri III d'Angleterre, monte sur le trône de la perfide Albion en 1236.
Arrivées au pouvoir en plein coeur de la " première guerre de Cent Ans " (1159-1259) qui oppose durablement les Plantagenêts et les Capétiens, ces femmes aujourd'hui largement - et injustement - oubliées marquent leur époque par leur courage et leur détermination. Si elles connaissent les batailles, les croisades et les révoltes, elles sont avant tout des faiseuses de paix. En effet, on l'ignore trop souvent, mais le traité de Paris (1259) qui met momentanément fin au conflit entre la France et l'Angleterre est initié par Marguerite et Éléonore qui font preuve d'un remarquable sens de la diplomatie tout au long de leur règne.
Par quels moyens ces deux soeurs réussissent-elles à faire plier l'ambitieux Henri III et l'inébranlable Louis IX ? Comment parviennent-elles à créer et maintenir un lien indéfectible, malgré la distance, les années et leurs multiples différences ? S'appuyant sur leurs correspondances (ayant reçu une excellente éducation, l'une et l'autre parlent et écrivent plusieurs langues), sur les récits et chroniques des témoins de l'époque (Jean de Joinville et Matthew Parris) et, enfin, sur d'importantes sources secondaires (synthèses et biographies), Sophie Brouquet fait la lumière sur deux vies, deux cours et deux règnes aussi passionnants qu'éclairants..
Le long XIIIe siècle marque l'âge d'or de la dynastie capétienne, qui compte des personnalités fortes : Philippe II Auguste, saint Louis, Philippe IV le Bel. Il bénéficie d'une dynamique agricole soutenue et d'une révolution technique, qui s'exprime notamment dans l'érection des cathédrales.
La prospérité - relative - des campagnes permet aussi l'essor des échanges et des villes. Littérature courtoise et naturalisme gothique témoignent d'une certaine douceur de vivre.
La monarchie construit progressivement un territoire et un État, dont la nouvelle doctrine s'appuie sur la souveraineté et non plus sur la suzeraineté. Le pouvoir capétien trouve l'un de ses fondements dans l'alliance étroite du trône et de l'autel, même si cela ne va pas sans tensions avec la papauté. Après 1270, la crise du système féodal provoque difficultés, famines, chômage et troubles sociaux, préliminaires de la grande crise du XIVe siècle. Le pouvoir monarchique, cependant, ne cesse de se renforcer. Se met alors en place un binôme caractéristique du futur État moderne : guerre et fiscalité.
Le contexte des temps, positif ou négatif, réinterprété à la lumière des recherches récentes, plonge le lecteur dans un des ' grands siècles ' de l'histoire de France.
En 1968, je reçus proposition d'écrire, pour la collection Trente journées qui ont fait la France, le livre consacré à l'un de ces jours mémorables, le 27 juillet 1214. Ce dimanche-là, dans la plaine de Bouvines, le roi de France Philippe Auguste avait affronté malgré lui la coalition redoutable de l'empereur Otton, du comte de Flandre Ferrand et du comte de Boulogne Renaud ; il était, grâce à Dieu, resté le soir maître du champ. L'empereur avait détalé ; les deux comtes rebelles étaient pris. Victoire, comme on l'a dit et répété, fondatrice : les assises de la monarchie française en furent décidément raffermies. Une bataille. Un événement. Ponctuel. Retentissant.
Quel intérêt, pour le grand historien des sociétés médiévales que fut Georges Duby, attaché aux profondeurs d'une histoire longue et lente, d'accepter de traiter un sujet aussi convenu dans une collection qui, de surcroît, incarnait un genre d'histoire si étranger à celui dont il était un illustre représentant ?
Renouveler de fond en comble l'approche de l'événement. Le subvertir de l'intérieur. Substituer au récit une anthropologie de la guerre au XIIIe siècle et amorcer une histoire du souvenir. Planter le drapeau de l'histoire nouvelle sur l'Annapurna de l'histoire la plus traditionnelle, écrit Pierre Nora, l'historien des lieux de mémoire, dans sa préface qui situe ce grand classique dans le mouvement de la production historique.
À l'An Mil romantique, antithèse apocalyptique de la Renaissance, l'école historique française oppose un An Mil appelé à devenir classique : tournant majeur où s'opère, dans l'attente de la fin du monde, le passage d'une religion rituelle et liturgique à un christianisme d'action. Richer, Gerbert, Helgaud, Adémar de Chabannes et Raoul Glaber ne sont ici traités qu'en témoins d'une conversion psychologique et mentale. De Charlemagne et Cluny aux pèlerins de Saint-Jacques et du Saint-Sépulcre, aux croisés bientôt : temps d'espoir et de crainte, millénaire de l'incarnation que les contemporains vécurent comme la promesse d'une nouvelle Alliance, un nouveau printemps du monde.
Al-Andalus continue de susciter fantasmes, nostalgie et projections de toutes sortes. Tour à tour érigée en haut lieu de la tolérance islamique, en paradis perdu dont ne subsistent que de délicats palais et l'écho lointain d'un art de vivre disparu, mais aussi en théâtre d'une lutte à mort entre Islam et Chrétienté, elle est l'une des rares terres ayant donné naissance à des mythes aussi riches que contradictoires.
Ce morceau d'Europe qui fut à l'Islam a heureusement laissé des textes qu'Emmanuelle Tixier du Mesnil se propose de relire, en regardant plus particulièrement la très riche moisson intellectuelle du XIe siècle, lorsqu'une vingtaine de principautés, les royaumes des Taïfas, se partageaient les lambeaux du territoire califal. Ce temps de tous les dangers, alors que menaçaient tant les rois chrétiens du nord de la péninsule que les guerriers berbères du Maghreb, fut celui d'une grande inventivité politique (l'Espagne islamique expérimentait deux cents ans avant l'Orient la disparition du califat), mais aussi celui d'une très belle floraison culturelle. Pouvoir et savoir nouèrent dans ce théâtre d'exception des liens très solides au cours d'un beau XIe siècle dont il faut restituer le déroulement et la complexe histoire. Les princes andalous firent de la culture un projet politique, un ferment de légitimité, le moyen de la concurrence entre eux, contribuant à fixer pour des siècles l'image d'une péninsule savante.
Professeur d'histoire médiévale de l'Islam à l'université de Paris Nanterre, Emmanuelle Tixier du Mesnil est spécialiste de la géographie arabe médiévale et de l'histoire d'al-Andalus. Elle est notamment l'auteur d'Al-Andalus. Anthologie, en collaboration avec Brigitte Foulon, (GF Flammarion, 2009) et de Géographes d'al-Andalus. De l'inventaire d'un territoire à la construction d'une mémoire (Presses universitaires de la Sorbonne, 2014).
"J'ai toujours été fasciné par le personnage de saint François d'Assise, l'un des plus impressionnants en son temps et jusqu'aujourd'hui de l'histoire médiévale. D'abord par le personnage historique qui, au coeur du tournant décisif du XIIe au XIIIe siècle, où naît un Moyen Âge moderne et dynamique, fait bouger la religion, la civilisation et la société. [...]
Mais l'homme aussi m'a fasciné, alliant simplicité et prestige, humilité et ascendant, ouverture et refus, physique ordinaire et rayonnement exceptionnel, se présentant dans une authenticité accueillante qui permet d'imaginer une approche à la fois familière et distanciée. François a été très tôt celui qui, plus que tout autre, m'a inspiré le désir d'en faire un objet d'histoire totale, exemplaire pour le passé et le présent. Ce qui m'a retenu d'écrire cette vie, c'est que j'étais absorbé par une réflexion et des travaux d'historien d'un caractère plus général et qu'en outre il existait d'excellentes biographies de François.
Ne me satisfaisant pas, aujourd'hui, d'avoir investi l'essentiel de mon entreprise biographique dans un Saint Louis très différent par son héros et par la dimension monumentale de ma tentative, je me suis résolu à publier l'ensemble des textes que j'ai consacrés à saint François."
Jacques Le Goff.
Comment imaginer un plus beau destin de chevalier ? Guillaume est un homme nouveau issu d'un modeste lignage. Il est né au milieu du xiie siècle sous le règne d'Etienne de Blois, petit-fils de Guillaume le Conquérant. Champion de tournois jusqu'à quarante ans, il a servi fidèlement les Plantagenêt : Henri II, son fils aîné Henri le Jeune, et les cadets Richard Coeur de Lion, Jean Sans Terre. En récompense, on lui a donné pour femme l'un des plus beaux partis d'Angleterre. A la guerre, il a combattu Philippe-Auguste et c'est à soixante-treize ans, comme Régent d'Angleterre du jeune Henri III, qu'il a remporté contre le futur Louis VIII la bataille de Lincoln, en 1217, qui obligea les Français à conclure la paix et à évacuer l'Angleterre. Apprenant la mort de Guillaume dans la tradition des Croisés, Philippe-Auguste et ses Barons le proclamèrent : « le meilleur des chevaliers ».
A travers l'irrésistible ascension de Guillaume Le Maré-chal, Georges Duby reconstitue, dans l'un de ses plus beaux récits, le théâtre de la chevalerie. Il nous fait les spectateurs privilégiés de l'art du tournoi, des rites de la guerre, et les compagnons de cette société d'hommes rudes et généreux qui rivalisent de prouesse, de largesse et de loyauté.
Georges Duby était professeur au Collège de France. Il a été en France le meilleur analyste des trois ordres de la société médiévale. Auteur du Temps des Cathédrales et de L'Europe au Moyen Age, il a su faire découvrir à un large public les réalités et les rêves du monde féodal.
La mère de Saint Louis, qui fut aussi la petite-fille d'Aliénor d'Aquitaine, demeure un personnage saisissant de l'Histoire de France. Catholiques et laïques n'ont cessé de saluer en elle l'éducatrice de Saint Louis et celle qui, veuve très jeune du roi Louis VIII, fit grandir son pays sous une poigne de fer en matant les féodaux.
Puisant dans les meilleures sources médiévales pour corriger l'image déformée qu'en a tracée le XIXe siècle, Philippe Delorme révise de fond en comble le portrait convenu d'une femme idéalisée. Il replace cette magnifique reine et régente, intelligente et cultivée, dans le cadre rayonnant du XIIIe siècle, celui des cathédrales, des premières universités et de la croisade contre les cathares.
«Recits des temps anciens», les sagas legendaires (fornaldarsogur), composees en Islande aux XIIIe et XIVe siecles, brodent sur le passe mythique de l'ere viking.
Elles donnent forme, dans un style plein de vigueur, a ces mondes magiques dont Richard Wagner ou J. R. R. Tolkien surent s'inspirer pour batir leurs propres univers litteraires et poetiques. Surgissant des ages heroiques comme les anneaux tentaculaires d'un dragon primitif, les vingt textes reunis dans ce volume constituent le fleuron d'une litterature de fantaisie sans equivalent.
L’histoire du lignage capétien, le plus long de tous les régimes politiques, est celle d’un « miracle » : à chaque règne, un roi succède à son père, quand tant d’autres familles royales disparaissent après quelques générations. La captation du trône des Francs par Hugues Capet et ses descendants sur treize générations a permis à la dynastie de se fortifier et, pour finir, d’incarner la France.Les historiens distinguent trois périodes de la monarchie capétienne qui correspondent à peu près aux trois siècles de leurs règnes. Le XIe siècle peut être qualifié de balbutiement. Les ambitions des rois se consacrent à la pacification d’un domaine féodal centré autour de Paris. Les premières décennies du XIIe siècle marquent un tournant dans l’histoire de la monarchie capétienne. Une politique habile permet aux rois de s’appuyer sur l’Église et de pacifier leur domaine qui commence à s’agrandir. Le XIIIe siècle est marqué par la personnalité de trois grands rois, Philippe Auguste, Louis IX et Philippe le Bel. Outre les conquêtes qui dessinent une France qui ne changera guère avant le règne de Louis XI, la monarchie s’organise. Mais la mort de Charles IV en 1328, décédé sans héritier mâle, met fin au bel équilibre construit génération après génération.Suivant une perspective fondée sur la chronologie, cet ouvrage se propose de présenter une synthèse actualisée sur le sujet ainsi que les dernières avancées de la recherche historique.
Qui pourrait croire que le roi Édouard III d'Angleterre a violé l'épouse de son proche ami William Montagu, earl of Salisbury ? C'est pourtant ce qu'affirme vers 1350 un récit stupéfiant du chroniqueur Jean Le Bel. Tel est le point de départ de ce livre. L'auteur montre d'abord pourquoi et comment Jean Le Bel, admirateur déçu d'Édouard III, a inventé ce forfait horrible après que son héros, qui se voulait un nouveau roi Arthur, avait renoncé à conquérir la couronne de France. Sa chronique tombe vite dans l'oubli mais un autre chroniqueur lui emprunte son bref récit du viol. Et surtout, Jean Froissart tente de faire de cette sombre histoire un grand récit d'amour courtois. À partir de ces deux récits, la fiction inventée par Jean Le Bel débute une étonnante carrière, qui la conduira notamment à donner forme, vers 1580, à la légende de fondation de l'ordre de la Jarretière et à être récrite par de nombreux écrivains, de Bandello et Shakespeare à Alexandre Dumas. Après la redécouverte de la chronique de Jean Le Bel, l'amour d'Édouard III pour la comtesse de Salisbury ne peut plus rester un thème littéraire. Pourrait-il alors devenir une histoire #Me Too avant la lettre ?
Barbastro est à l'Espagne médiévale ce qu'est la bataille de Poitiers à l'histoire de France : un fait d'armes - une défaite non décisive de troupes musulmanes - qui, au fil des siècles, fut sublimé par un récit national en une date majeure des Croisades et de la Reconquête.
Au printemps 1064, une armée de guerriers franchit les Pyrénées, animés, a-t-on dit, par le désir d'en découdre avec l'Autre, à savoir le musulman. Celui-ci a mérité d'être puni puisque, non seulement hérétique, il vient d'occire le souverain aragonais avec lequel plusieurs lignages nobiliaires d'outre-monts ont tissé des liens d'amitié. Les cavaliers fondent sur une petite cité musulmane de la vallée de l'Ebre appelée Barbastro, qu'ils enlèvent avant de la perdre à nouveau l'année suivante.
Il ne s'agit plus d'entreprises individuelles et d'une portée limitée, mais d'une expédition de plusieurs milliers d'hommes venus du nord et rejoints par des guerriers normands d'Italie et des contingents catalans. Ces troupes se seraient mobilisées à l'appel du pape : pour nombre d'historiens c'est ici, au pied des Pyrénées, que serait née la "Croisade".
Sans doute quelques puissants, sous l'influence d'abbés ou d'évêques, se sentent-ils porteurs d'une mission chrétienne, mais quelques décennies plus tôt encore, des comtes s'étaient entendus avec des Arabes pour attaquer Compostelle, le haut-lieu de la chrétienté hispanique ; quant aux habitants qui peuplent les campagnes ou les bourgades naissantes, ils n'ont qu'une maigre idée de l'Islam et des musulmans. C'est tout autant l'envie de combattre, de vaincre et de conquérir et le désir de s'emparer d'un butin qui animent les combattants.
À la manière de Georges Duby dans Le Dimanche de Bouvines, les auteurs déploient toute la richesse de l'histoire événementielle, tant cette bataille sert de révélateur des structures, des cultures et des sensibilités. Bien que peu éclairé par les sources, qu'elles soient arabes ou latines, l'épisode de Barbastro fut gravé dans les mentalités pour devenir, à la manière de Bouvines, "un lieu de mémoire".
Monique Bourin-Derruau est professeur d'histoire du Moyen Age à l'université de Paris I-Sorbonne.
Le réseau fortifié de la sénéchaussée royale de Carcassonne, organisé autour de la Cité, surplombe les contreforts de la Montagne noire et des Corbières et constitue aujourd'hui un superbe ensemble patrimonial. L'architecture y prolonge la roche dans un élan vertical s'imposant sur les paysages. Ce spectaculaire ensemble de monuments est emblématique de l'essor des systèmes de fortifications conçus par les pouvoirs souverains pour maîtriser, défendre et contrôler leurs territoires contre les ennemis intérieurs et extérieurs.
Le colloque de Carcassonne de 2021 s'était donné pour objectif de rassembler historiens, architectes et archéologues de toute l'Europe pour comparer des systèmes souverains équivalents, situés sur le continent européen, aux XIIIe et XIVe siècles. Le présent volume rend compte de l'extraordinaire richesse de ces échanges. De la vie quotidienne à la vie de siège, de la taille de la pierre à la mise en oeuvre de projets complexes, de l'administration à la maîtrise d'oeuvre, tous les aspects de la vie de ces réseaux fortifiés ont été évoqués, dans des contextes éminemment différents. Ils ont permis de montrer à quel point l'ensemble carcassonnais est symbolique d'un mouvement européen, voire mondial, d'appropriation et d'organisation des espaces par les sociétés médiévales.
Le fils de Philippe-Auguste et le père de Saint Louis a peu régné (1223-1226). Mais sans lui, la France ne serait pas la France. Faisant face aux agressions de toutes parts, il a assuré l'unité et la continuité de l'aventure nationale. Il l'a fait avec un panache et une bravoure qui, jusqu'à aujourd'hui, ne cesseront d'inspirer ses successeurs. Stylé ! Que sait-on aujourd'hui de Louis VIII, roi de France pendant seulement trois ans, qui manqua de devenir à la fois roi de France, d'Angleterre et de Castille ? Louis le fils de Philippe Auguste, attendant patiemment dans l'ombre de son père que vienne son heure. Louis le Lion, qui étendit le pouvoir royal jusqu'à La Rochelle et rattacha le Languedoc à la couronne. Louis le guerrier, à la reconquête du Poitou, triomphant du roi d'Angleterre à la Roche-aux-Moines, sans qui la fameuse victoire de Bouvines n'aurait pas été possible... Louis le Capétien, revenu de l'ivresse de la conquête, qui reprit à son compte la politique patiente de ses ancêtres et poursuivit l'expansion du domaine royal à l'intérieur des frontières du royaume. Mais aussi Louis l'époux de Blanche de Castille, qui assura ensuite la Régence jusqu'à l'avènement de son fils, le célèbre Saint Louis.
Le témoignage d'un destin téméraire : celui d'un souverain à la fois sage et brave, foudroyé au zénith de son règne. Un roi lettré, cultivé, injustement tombé dans l'oubli, protecteur des arts et des lettres, à rebours des clichés médiévaux.
Un récit enlevé et un travail précieux, qui vient éclairer un pan jusque-là méconnu de notre récit national.
Paris, 11 mars 1314. Sur l'Île de la Cité, le feu embrase le bûcher où va périr Jacques de Molay, 23e et dernier grand maître de l'ordre du Temple. C'est la fin d'un ordre et le début d'une légende qui, sept siècles plus tard, continue de nous intriguer. Dante fut le premier à rapprocher leur martyre de la Passion du Christ, une comparaison que reprend ici Simonetta Cerrini pour donner à sa narration la forme d'un chemin de croix. La bulle papale du 22 mars 1312 ordonnant la suppression du Temple lui sert de fil d'Ariane. L'historienne mène l'enquête, s'emparant de la masse labyrinthique des archives pour nous éclairer et ouvrir le juste procès qu'ils n'ont jamais eu. Ce fut en réalité le premier grand procès politique (et religieux) de l'Europe médiévale. L'auteure fait revivre les Templiers dont on entend enfin les prières du fond des cellules où ils furent enfermés pendant des mois et torturés, paroles perdues contre ce qui les accable : accusations d'hérésies, impiétés, sodomie...
Des siècles plus tard, on est touché par leur sentiment d'abandon, leurs peurs, mais aussi leur foi, qu'entretient toujours une certaine lueur d'espoir, anéantie à jamais par les flammes des bûchers.
À partir du XIe siècle, l'idée de croisade s'insère au coeur de la société chrétienne et constitue tout au long du Moyen Âge le moteur de l'expansion de l'Occident dans le monde méditerranéen. Plus que jamais, il est nécessaire de comprendre les raisons et les conséquences, de part et d'autre de la Méditerranée, d'un épisode historique sans précédent qui a duré quatre siècles.
Cette synthèse interroge les origines et la nature de ce phénomène, entre « pèlerinages en armes » et migrations de populations, et en montre la complexité à travers les diverses grilles de lecture qui ont été appliquées au sujet : économiques, démographiques, religieuses, politiques. Elle montre comment, loin d'apporter les résultats escomptés ni permis les rencontres entre les cultures, ces campagnes ont d'abord servi la chrétienté à prendre conscience d'elle-même. Présentant le film des huit croisades, l'ouvrage met en lumière la tradition du pèlerinage vers Jérusalem et le développement de l'idée de guerre sainte dans la pensée pontificale. Il montre également que chez les hommes de la Croisade, la quête de Jérusalem ne peut être séparée de la gloire et de la fortune qui se réalisent dans la création d'États latins en Orient, prémices de la colonisation moderne.
Une cinquantaine de cartes et documents iconographiques facilitent la lecture de ce volume qui propose par ailleurs et double index et une riche bibliographie.
Étroitement associé au triomphe de la ville, le nom de Florence évoque l'éclosion d'une culture politique et sociale contenue aux murs de la cité. La documentation conservée par les institutions ecclésiastiques témoigne du dynamisme précoce des sociétés rurales. En prenant pour cadre le quart sud-est du contado florentin, l'ouvrage met en lumière la participation et la résistance des populations rurales au processus de formation d'un territoire dominé par la cité. On s'intéresse ici à une mosaïque de sociétés dont la structure sociale ne se résume pas à l'opposition frontale entre seigneurs et paysans. Riches tenanciers, intermédiaires seigneuriaux, artisans ruraux, notaires, clercs et frères convers viennent compliquer le panorama. Ils participent à la formation d'un milieu de notables affranchis, au moins partiellement, des contraintes les plus pressantes du travail contraint ou vivrier. À travers l'étude de ces notables, l'ouvrage interroge les ressorts et l'évolution de la domination sociale dans une période de profonde transformation des structures politiques et économiques.
Le bleu est la couleur de la France. Dans ce rôle ses origines sont anciennes : elles se situent vers le milieu du XIIe siècle, lorsque le roi Louis VII adopte deux attributs de la Vierge, le lis et l'azur, pour en faire les premières armoiries royales. Par ce choix, non seulement il rend hommage à la mère du Christ, patronne du royaume, mais surtout il tente d'effacer le souvenir d'une mort infâme qui, quelque temps plus tôt, a souillé tout ensemble la dynastie capétienne et la monarchie française : celle de son frère aîné Philippe, jeune roi de quinze ans, déjà sacré et associé au trône, tombé de cheval le 13 octobre 1131 à cause d'un misérable cochon de ferme vagabondant dans une rue de Paris.
L'ouvrage de Michel Pastoureau raconte cet événement insolite, oublié de tous les livres d'histoire, et étudie dans la longue durée ses multiples conséquences. À bien des égards, cet accident provoqué par un animal impur et méprisé, que les chroniques qualifient de porcus diabolicus, loin d'être anecdotique, apparaît comme un événement fondateur.
François d'Assise, le Poverello, est un des personnages les mieux documentés du Moyen Âge. Une fois canonisé en 1228, il fit rapidement l'objet de nombreuses biographies. Paradoxalement, la prolifération des sources et leur discordance finissent par voiler ses traits. Et le débat plus que séculaire des historiens sur ces biographies contradictoires – " la question franciscaine " – est à son tour devenu un obstacle à l'approche d'un personnage complexe. Dans ce volume, qui condense les points saillants d'un parcours long d'une trentaine d'années, Jacques Dalarun a choisi d'aborder la question franciscaine par de multiples entrées, de l'expérience des stigmates à l'hagiographie du fondateur et à ses compagnons et compagnes. Il part non pas d'a priori idéologiques, mais de la matérialité des sources manuscrites : la codicologie contre l'idéologie. Car l'auteur prévient : " L'étude des textes dans une perspective historique est une science exacte ; pas une science infaillible, mais une science aussi peu inexacte que les autres, pourvu qu'elle soit pratiquée avec rigueur. " Une quête de l'homme François, du saint le plus populaire du christianisme, mais surtout de " la fuyante vérité d'un mort qui aurait presque pu être notre demi-frère ".
Ce volume est le deuxième d'une série d'ouvrages portant sur « Statuts, écritures et pratiques sociales dans les sociétés de la Méditerranée occidentale à la fin du Moyen Âge (XIIe-XVe siècle) », visant à étudier les statuts communaux dans une optique d'histoire sociale, non pas comme une source « normative » mais comme une source de la pratique, de leur matérialité et de leur forme d'écriture aux pratiques sociales en passant par les conditions de leur production et de conservation, leur inscription dans un paysage documentaire communal, leur structure et leur contenu. Cet ouvrage, plus spécifiquement, se donne pour but de replacer la matière statutaire de l'Italie (Sienne, Ferrare, Gênes, Rimini, Milan, Orvieto, Pérouse, Todi, Pise, Lucques, la Sicile et Candie vénitienne) et du Midi de la France (Agen, Marseille, Avignon, Rodez et Comtat Venaissin) au sein d'un ensemble de documents produits par les autorités communales, par d'autres institutions présentes dans la commune ou par une autorité supérieure (seigneur laïc ou ecclésiastique, prince, roi ou pape) exerçant son dominium. Il s'agit donc d'éclairer le statut dans son paysage documentaire pour mesurer les circulations documentaires en repérant et en analysant tout les points de contact entre les statuts et les autres documents. Du niveau le plus haut ou le plus large (comtal, provincial ou royal) au plus restreint (groupements professionnels) en passant par l'échelon communal, les différentes strates normatives se superposent et se complètent mais peuvent également entrer en concurrence, nous dévoiler des tensions entre les divers niveaux de réglementation, chacun de ceux-ci espérant marquer son emprise, dominer un espace ou un secteur d'activité. Statuer peut, en ce sens, apparaître comme un enjeu social de toute première importance.
Au XIIe siècle, des prêtres se sont mis à parler plus souvent des femmes, à leur parler aussi, à les écouter parfois. Celles de leurs paroles qui sont parvenues jusqu'à nous éclairent un peu mieux ce que je cherche, et que l'on voit si mal : comment les femmes étaient en ce temps-là traitées.
Évidemment, je n'aperçois encore que des ombres. Cependant, au terme de l'enquête, les dames du XIIe siècle m'apparaissent plus fortes que je n'imaginais, si fortes que les hommes s'efforçaient de les affaiblir par les angoisses du péché. Je crois aussi pouvoir situer vers 1180 le moment où leur condition fut quelque peu rehaussée, où les chevaliers et les prêtres s'accoutumèrent à débattre avec elles, à élargir le champ de leur liberté, à cultiver ces dons particuliers qui les rendent plus proches de la surnature. Quant aux hommes, j'en sais maintenant beaucoup plus sur le regard qu'ils portaient sur les femmes. Elles les attiraient, elles les effrayaient. Sûrs de leur supériorité, ils s'écartaient d'elles ou bien les rudoyaient. Ce sont eux, finalement, qui les ont manquées.
Georges Duby.
Le roi Louis IX, devenu Saint Louis, a mené deux croisades aux échecs aussi cuisants que retentissants. Celle de 1248 en Égypte, où l'accompagnait son épouse Marguerite de Provence, l'a tenu éloigné de France pendant six longues années. Dans cette étude, Gaëlle Audéon montre les comportements immatures de Louis IX, ses décisions absurdes, son fanatisme religieux, qui en font un souverain à l'intelligence médiocre et peu préoccupé de son royaume, un mari odieux, un patriarche autocrate. C'est une lecture nouvelle des sources pour une remise en cause du « grand roi » ou du « grand homme ».
Cet ouvrage tente de faire vivre de l'intérieur la dernière décennie du règne de Philippe le Bel. Nous suivons le souverain presque au jour le jour, de l'arrivée à la Cour de Marguerite de Bourgogne, épouse de l'héritier du trône Louis, devenue reine de Navarre, jusqu'à la veille des fêtes de l'adoubement des princes, en juin 1313. L'autrice nous plonge au coeur des relations familiales et lignagères, des amitiés et des inimitiés, des faits du quotidien ou des grandes affaires telles qu'elles furent perçues par les proches de Philippe le Bel. Les événements politiques et religieux, comme le mariage d'Isabelle avec Edouard II d'Angleterre, les conflits avec la Flandre, le concile de Vienne, mais aussi la prise de Rhodes par les hospitaliers ou la chute du duché d'Athènes, dressent un tableau vivant de cette époque, où les femmes ignorées par l'historiographie sont partout présentes.