La traduction est aujourd'hui omniprésente et indispensable pour permettre la communication entre les peuples et les cultures. C'est pourtant une activité multimillénaire, qui n'a pas toujours revêtu les mêmes formes ni connu les mêmes enjeux. L'histoire de la traduction, partie intégrante de la discipline que l'on appelle la traductologie, permet de mieux cerner les contextes culturels dans lesquels s'inscrit la traduction et de suivre l'évolution des réflexions concernant cet objet polymorphe. Dans cet ouvrage publié à titre posthume, le chercheur internationalement reconnu qu'est Michel Ballard nous livre le fruit de ses dernières réflexions et apporte un nouvel éclairage sur la place de la traduction dans l'Antiquité, en tenant compte des publications récentes dans le domaine. La période examinée va de l'Égypte ancienne à saint Jérôme, en passant par la Mésopotamie, la Grèce, l'époque ptolémaïque et Rome.
L'approche archéologique des économies du monde classique est ici mise en oeuvre par filières de production et sur le long terme, bien au-delà de la Grèce classique : écartant délibérément l'artisanat céramique, bien étudié par ailleurs, les auteurs se concentrent sur des domaines de la production artisanale généralement mal connus des historiens, qu'ils abordent à travers des études de cas, des bilans et des exposés de méthode : la corderie, la vannerie et le textile, les métallurgies et la fabrication des monnaies, le verre et même l'alun. Une large place est réservée aux questions de méthode, à travers le fréquent recours à l'archéologie expérimentale et la comparaison avec la Gaule, dans deux domaines où la recherche y est plus avancée : l'organisation spatiale et la métallurgie du fer. Après deux ouvrages consacrés d'abord aux artisans et aux ateliers, puis aux productions et aux diffusions, cet ensemble d'études clôt une trilogie sur l'artisanat en Grèce ancienne.
Les contributions réunies dans ce volume sont le résultat d'une recherche et d'une réflexion collective élaborées dans le cadre des axes de l'UMR 8164 Halma à Lille autour de l'urbanisme grec et romain. La volonté des deux responsables a été d'aborder cette problématique de façon ambivalente, c'est-à-dire à une utilisation maîtrisée que sont les usages domestiques (chauffage, éclairage, cuisine), religieux (cérémonies, sacrifices) et industriels (métallurgie, céramique, etc.) répond un élément destructeur que sont les incendies accidentels ou volontaires en se reposant sur des exemples couvrant l'ensemble du monde antique depuis l'Orient méditerranéen jusqu'au nord de la Gaule aux époques gréco-romaines.
Cette approche collective des rituels et cérémonies de cour entre l'Empire romain et l'âge baroque (début du xviie siècle) contribue à étudier l'émergence d'une culture européenne de la cour. Son originalité consiste à inscrire dans la longue durée une analyse sociale et culturelle des rituels et cérémonies de cour, souvent envisagés selon un formalisme désincarné. L'ouvrage étudie ainsi les cadres spatiaux, les acteurs et les mises en scène qui fondent les cérémonies de cour. Il porte sur les États européens à travers des cours très diverses, impériales, pontificales, royales et princières. Il montre que les rituels de cour doivent être compris à différentes échelles spatiales, entourent les détenteurs du pouvoir d'acteurs spécifiques et finalement mettent en scène la légitimité des souverains. L'ouvrage conclut sur la genèse des relations multiples entre les sociétés curiales et les cérémonies, qui génèrent le phénomène historique de la cour autant qu'elles en résultent.
Voici vingt-cinq façons de rendre compte des mémoires des empereurs romains Trajan et Hadrien (98-117 et 117-138 de notre ère). Elles nous offrent de multiples variations et angles d'approche pluridisciplinaires, et se placent sous le patronage illustre de l'oeuvre de Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien (1951). Elles participent de surcroît à la commémoration des mille neuf-cents ans de la mort du vainqueur des Daces et des Parthes et de l'arrivée au pouvoir de son fils « adoptif », prince philhellène que la romancière avait élu, afin d'aborder les rapports entre mémoires humaines et Histoire. La littérature des périodes ancienne, médiévale, moderne et contemporaine est convoquée par les études ici rassemblées, tout autant que les arts et les nombreuses formes de représentations et illustrations des aventures humaines de ces deux princes placés naguère en tête de cet âge d'or de l'histoire romaine, le fameux siècle des Antonins, revisité depuis à toutes les époques qui se sont succédé.
Quelle qu'ait été leur faveur auprès du public depuis les découvertes de Myrina et Tanagra au xixe siècle, les terres cuites figurées antiques sont trop longtemps restées dans l'ombre d'une histoire de l'art passéiste. Ce n'est que tout récemment que leur étude a profondément évolué, grâce à la prise en compte de toutes leurs spécificités, tant celles des modalités de fabrication et de diffusion, qui en font un artisanat étonnement moderne, que celles des contextes de trouvaille et des assemblages, qui renouvellent l'archéologie des pratiques funéraires et votives. Désormais objet d'études les plus exigeantes, les terres cuites figurées apportent une contribution originale à la connaissance de l'antiquité classique. Les textes réunis dans ces deux volumes issus du colloque d'Izmir, le premier de cette importance sur ce sujet, font connaître une foison de documents nouveaux, illustrent toutes les approches des figurines - histoire de l'art, archéologie, archéométrie, iconographie, anthropologie culturelle... -, mais reflètent aussi les débats autour de leur interprétation : elles dressent ainsi un état des lieux dans ce domaine de recherche au dynamisme nouveau.
Philippe Rousseau propose une interprétation de l'Iliade fondée sur l'analyse de la logique immanente à la construction de l'intrigue et répondant à l'exigence de déchiffrement du sens formulée par l'aède dans le cinquième vers du poème. Croyant oeuvrer à leurs propres objectifs, les acteurs humains et divins du drame agissent selon un plan arrêté par Zeus, Fils de Cronos et Père des dieux et des hommes, dont l'économie dialectique et les jeux trompeurs leur échappe. Le dieu tourne la colère d'Achille et la défaite des Achéens en moyen de la perte de Troie. De la crise que raconte le poème, l'aède fait ainsi le moment décisif où se joue l'issue de toute la guerre, et la fin de l'âge des héros. Au fil des chapitres, Philippe Rousseau guide le lecteur dans l'analyse de cette mise en récit et montre comment l'Iliade absorbe et dépasse dans sa construction monumentale l'ensemble de la tradition épique du cycle de Troie.
Les poèmes mythologiques et héroïques, la version en prose de Snorri Sturluson (le plus grand écrivain et mythographe islandais du Moyen-Âge, 1178-1241) de l'Edda sont les sources littéraires de cette étude mythologique. Chaque dieu est présenté avec ses attributs et ses fonctions à la faveur des textes qui le concernent et des mythes qui s'y rattachent sans faire l'impasse sur les incertitudes et les doutes de la recherche passée et actuelle. S'étendant sur 2 500 ans et sur un espace vivifié par les Vikings qui va du Groenland à Constantinople, du Nord de la Suède à Gibraltar, ce corpus de croyances païennes offre naturellement de singulières distorsions et présente cependant de confondantes continuités thématiques. À l'aide de l'archéologie, l'histoire, la littérature, l'onomastique et la linguistique, entre autres sciences, cet ouvrage fait non seulement le point sur les connaissances actuelles, mais encore bat en brèche certaines interprétations traditionnelles qui voudraient privilégier le côté martial alors que la civilisation où s'est développée cette mythologie a pour trait fondamental la troisième fonction dumézilienne.
Connaître la vie des Morins, ce peuple gaulois qui vivait autour de Boulogne et Thérouanne, c'est un souhait que partagent des amoureux de l'Antiquité, et surtout s'ils habitent cette région Ouest du Pas-de-Calais d'aujourd'hui. Qu'en savent-ils déjà ? Un peu par l'archéologie, ou encore par les inscriptions et les monnaies. Très peu par les textes, car César et les autres Romains n'ont voulu considérer cette cité gauloise que comme une base de départ vers la Grande-Bretagne. Nous proposons ici une autre méthode : la toponymie, l'étude des noms de lieux et de cours d'eau gaulois. C'est une recherche difficile, car la langue gauloise est mal connue, et les pièges de l'étymologie guettent le chercheur. Ajoutons une autre difficulté : les populations germaniques au cours des invasions ont apporté des mots nouveaux. Rappelons-nous pourtant que Dauzat, naguère, fit l'histoire de la Beauce et de l'Auvergne à l'époque gauloise et gallo-romaine par cette méthode. Il faut tenter cette aventure, même si parfois l'on ne peut dépasser l'hypothèse. Que trouvons-nous donc ? Des localités dont les noms paraissent montrer une création gauloise. La plus importante est bien entendu Boulogne avec ses deux noms correspondant à deux agglomérations juxtaposées. On doit s'intéresser aussi à Thérouanne, promue capitale au temps des Romains, si elle ne l'était déjà. L'étude des noms de ports montre la vocation maritime d'un peuple qui portait le nom de la mer dans sa désignation celtique. Les cours d'eau sont très utiles à considérer, car, selon l'usage gaulois, ils délimitent des frontières, et certains portent des désignations sacrées. La religion gauloise s'en trouve ainsi dévoilée. Espérons avoir montré quelques connaissances nouvelles, qui permettront au lecteur de replonger des noms familiers dans un lointain passé, et de faire revivre les Morins.
Le royaume de Tolède, l'un des grands royaumes chrétiens formés après la fin de l'Empire romain d'Occident, naît dans un cadre profondément romanisé, la Péninsule ibérique et la Narbonnaise. En s'implantant en Hispanie à la chute du royaume de Toulouse, l'élite visigothique devait affirmer sa domination politique sur un territoire nouveau. Sa maîtrise de l'espace s'appuya largement sur les structures préexistantes, qu'elle revitalisa, sur la création d'agents territoriaux spécifiques et sur le recours à la collaboration des puissants laïcs et des évêques. La désagrégation politique souvent décrite pour cette période paraît largement infondée, à l'exception du nord-est du royaume, plusieurs fois soulevé par des troubles séparatistes. De fait, les séditions provenaient le plus souvent du centre lui-même, de l'entourage royal. C'est aussi autour du centre que toute la construction politique visigothique était organisée, à la fois matériellement (on observe un important mouvement de centralisation au milieu du viie siècle) et symboliquement, avec la montée progressive de Tolède, véritable « petite Rome ». À l'abri de frontières conçues comme hermétiques, le royaume s'identifiait à un sanctuaire, seul lieu où, sous la responsabilité de leur roi, tous les sujets hispanogothiques pouvaient parvenir au salut dans ce monde et dans l'autre. Ainsi, sans sacrifier son efficacité au niveau administratif, la construction politique visigothique s'est aussi présentée comme un instrument de rédemption ici-bas, plusieurs décennies avant l'Empire carolingien.
Quels sont donc les effets de l'écriture sur le régime intellectuel des Grecs? Une écriture interrogée dans sa dimension anthropologique: comme une activité cognitive, et quand elle prend une place majeure dans la vie sociale et dans les pratiques politiques. Entre 650 et 450 av. notre ère dans les cités de la Grèce, l'écrit monumental et public conquiert son autonomie ; il produit des objets inédits, favorise l'avènement de la publicité, inaugure un régime nouveau pour l'activité intellectuelle. Comment l'écrit devenu autonome s'affirme-t-il pratique de l'intellect ? Quels sont les objets façonnés par l'exercice graphique? Quelles possibilités nouvelles ces nouveaux objets proposent-ils à l'intelligence de ces Grecs si peu répétitifs ? Autour de ces questions, un petit groupe de chercheurs -français, italiens, américains- découvre la présence de scribes entre l'Acropole, Olympie et les montagnes crétoises; l'action souvent complexe de législateurs anonymes ou trop connus, et comment l'écriture des lois est constituante du politique; comment, également, sur ce terrain l'écrit affirme sa présence et ses vertus de rigueur et d'exactitude. Enquête qui a une dimension d'histoire sociale: l'avènement des archives; les distances entre le droit et l'écriture; les marchands, l'économie et le système de numération alphabétique. Mais dans la visée, il y a les hauts savoirs fléchés par l'écrit: la géométrie dessinant et écrivant, explorant les propriétés des figures et mettant la démonstration par écrit; la géographie avec la carte et ses contraintes de raisonnement imposées entre écrire le monde et dessiner la terre habitée; la médecine avec son projet d'écrire afin de décrire, d'inventer par le stylet et le style des Epidémies la maladie dans ses purs symptômes. Avec ses tracés bibliographiques, ses indices offerts au chaland, l'ouvrage ainsi paré devrait servir de livre-outil pour d'autres ateliers.
Ont été particulièrement étudiés la figure de l'empereur et ses modes de commémoration, les provinces de la partie hellénophone de l'empire et la diversité des approches politique, sociale, économique et religieuse du contrôle d'une cité-État capitale d'empire, enfin le droit romain, des étapes de sa codification aux modalités de son étude par les modernes, de l'élaboration d'une norme aux exemples concrets de son application. En vingt-quatre étapes et selon trois grandes orientations thématiques (notion d'empire et pouvoir impérial, administration et société politique, norme et identités), ce livre propose une lecture méthodologique et historiographique des grands enjeux de la recherche universitaire française, européenne et américaine, des trente dernières années en histoire romaine (du IIe siècle avant notre ère au seuil de l'époque médiévale). Tous les types de sources, littéraires, épigraphiques, numismatiques, juridiques et iconographiques, sont convoqués pour illustrer les renouvellements de l'approche du monde romain impérial, depuis ses territoires, cités et provinces, et ses formes de pouvoir, du prince aux élites sénatoriales et équestres, jusqu'à son administration, militaire et civile, et ses identités sociales et religieuses. C'est de la complémentarité des objets d'étude, des modalités d'approche et des sources utilisées que naît une vision d'ensemble permettant d'aborder d'une manière ample, sinon exhaustive, le contenu d'une romanité une et plurielle.
Le corps humain constitue un témoin privilégié des activités et du mode de vie des individus. Alors que l'archéologie funéraire fournit des données trop souvent insatisfaisantes sur l'identité des défunts, l'étude paléoanthropologique (en particulier paléopathologique) des ossements apporte en effet des éléments nouveaux et complémentaires aux recherches basées sur l'identification professionnelle et sociale des individus. La volonté d'appréhender les populations anciennes comme des ensembles non plus homogènes mais, au contraire, composites, nécessite un traitement plus approfondi de toutes les données disponibles. En réunissant les contributions d'anthropologues, de paléopathologistes, d'archéologues, d'historiens, d'iconographes et de philologues, cet ouvrage permet, au travers de développements théoriques et d'études de cas, de poser les jalons méthodologiques de l'identification socioprofessionnelle des défunts. Ces résultats soulignent l'apport de la paléoanthropologie aux sciences historiques et l'intérêt de la conjugaison des compétences des différents spécialistes. Le sujet, bien que d'une grande richesse, n'a été que très peu exploité jusqu'ici. Cet ouvrage constitue ainsi la première synthèse méthodologique sur l'identification professionnelle et sociale des défunts par le biais de l'anthropologie physique, tout en soulignant l'intérêt de la démarche sur le plan plus large des études historiques et sociales.
Pausanias parcourt et décrit en antiquaire intéressé par le fait religieux la Grèce du IIe s. de n. è. Il signale de nombreux sanctuaires, sites naturels et curiosités et rapporte les récits légendaires qui s'y attachent. La traduction de tous ces passages met à la disposition de chacun le panorama de cette géographie religieuse et mythologique, constituée à la fois des cultes officiels, temples et sanctuaires, en fonction ou désaffectés, avec leurs rites et leurs fêtes, et des nombreux sites naturels auxquels les Anciens ancraient leurs légendes : grottes, sources, montagnes, arbres, etc. Cette géographie est esquissée ici d'abord à travers le texte de Pausanias qui rapporte ces choses qu'il a vues et entendues, de nature ou de culture, sans oublier les récits de fondation associés à des oracles et des dynasties légendaires, ni les héros, ceux de la légende et ceux de l'histoire, comme les combattants des guerres médiques, dont la vox populi a mythifié les exploits. Cette géographie se donne ensuite à voir à travers une série de cartes, région par région, de tous les sites mentionnés par le Périégète et à travers des photographies, dans lesquelles le texte ancien trouve un contrepoint illustré : elles font comprendre pourquoi certains sites avaient pu susciter des récits légendaires. Cette lecture thématique de Pausanias devrait rencontrer un public sensible à la vision sincère d'un homme pieux et curieux des traditions de son pays.
L'exploitation des figurines de terre cuite dans une perspective d'anthropologie sociale et culturelle renouvelle profondément un domaine de recherche longtemps resté à l'ombre d'une histoire de l'art surannée. Conformément à une tendance lourde de l'archéologie aujourd'hui, les contributions de ce volume privilégient une remise en contexte, dans tous les sens du terme et à plusieurs niveaux : archéologique - assemblages d'objets et répertoire ; cadre du sanctuaire, de la tombe et de la maison ; contexte culturel - pour montrer tout ce qu'une catégorie d'objets trop longtemps discréditée comme pacotille sans signification peut apporter, correctement interrogée, à la connaissance de la piété envers les divinités et les morts. Une première partie commente quelques types particuliers de terres cuites figurées, tandis que les trois autres les envisagent successivement dans les principaux contextes d'utilisation : le sanctuaire, la tombe et la maison. L'ensemble fait apparaître la profonde cohérence de leur fonction dans les pratiques votives et funéraires et apporte des éléments pour caractériser les cultes domestiques. Ce qui se manifeste ainsi, ce sont des préoccupations fondamentales des sociétés traditionnelles : intégration des jeunes des deux sexes dans la famille et la société, mariage et enfantement. Cette forme d'archéologie cognitive, qui interroge le pourquoi de la présence muette des figurines et donc les intentions de leurs « utilisateurs », débouche sur une anthropologie des sociétés antiques.