Dans Aristote au Mont-Saint-Michel, Sylvain Gouguenheim prétend réfuter ce qu'il nomme une vulgate : le rôle des Arabes dans la formation de l'Europe latine. Celle-ci aurait reçu la pensée grecque de chrétiens orientaux puis des traducteurs gréco-latins. Ce livre amène les médiévistes à s'interroger sur la méthode historique et la déontologie des historiens, en adoptant différents points de vue : histoire de la philosophie et des sciences, histoire sociale, codicologie (Jacques de Venise)... Al-Kindi et al-Farabi sont de remarquables connaisseurs d'Aristote ; Avicenne a accompli une percée décisive en métaphysique par la distinction de l'essence et de l'existence ; en mathématiques et sciences physiques, la créativité des auteurs arabophones est, pour les spécialistes, incontestable. Quant au rôle d'intermédiaire attribue au Mont-Saint-Michel, il relève de la fable : Gouguenheim ignore tout de la production et de la circulation des manuscrits. Qu'un éditeur prestigieux ait fait paraitre un pareil livre conduit les médiévistes à s'interroger sur la formation et la diffusion de leur savoir : eux dont les recherches sont financées par des fonds publics, doivent se faire entendre des qu'un dès leur divague. Le présent ouvrage introduit de la rationalité et de la sérénité dans les débats interculturels. Il s'adresse à ceux qu'intéressent le dialogue des cultures, aux professeurs du secondaire qui, charges d'un enseignement sur ce thème, ont été déconcertés.
Place forte de la pêche du hareng jusqu'en 1670, le port hollandais d'Enkhuizen connaît une restructuration économique profonde tout au long du xviiie siècle. L'effondrement démographique est spectaculaire, puisque la ville perd deux tiers de ses habitants entre 1622 et 1795. Connu depuis longtemps, le "déclin" d'Enkhuizen n'avait jamais fait l'objet d'une enquête sur son contenu et ses implications. L'ouvrage met en lumière un certain nombre de phénomènes comme l'émergence d'une société de l'entre soi ou la contraction de l'espace urbain utile. Repliée sur elle-même, la ville se déleste de ses pauvres tandis que le patriciat s'enrichit grâce au commerce asiatique. Cette société urbaine bouleversée se réinvente par le biais d'une mémoire civique commune, destinée à combattre le sentiment de déclassement. Cependant, les marqueurs identitaires mis en avant sont instrumentalisés par l'oligarchie locale, afin de justifier son maintien au pouvoir. Cette relecture sociale et culturelle du déclin hollandais du xviiie siècle constitue une approche nouvelle, pour un objet d'histoire devenu classique. Enkhuizen connait davantage un déclassement et une restructuration, qu'un déclin absolu et irrémédiable. L'enquête, inédite, s'appuie sur le dépouillement approfondi d'archives aux Pays-Bas. Elle vise également, par le biais de la bibliographie, à mettre à la disposition du lecteur français des informations et des concepts jusqu'ici largement inaccessibles aux non-néerlandophones.
Malgré une prospérité remarquable au Moyen Âge, Douai conserve peu de vestiges architecturaux de cette période, en dehors du beffroi et de quelques portions des fortifications, et il ne subsiste rien des constructions privées. Le dynamisme et la précocité de la recherche archéologique à Douai ont permis, à l'occasion de quelques chantiers menés en centre ville, de reconnaître l'emplacement de certaines d'entre elles mais surtout de révéler l'existence de vastes caves encore conservées dans les sous-sols de la ville. La nécessité d'un recensement global s'est donc imposée, étendu à l'ensemble de la paroisse Saint-Pierre qui reprend le noyau médiéval de la ville. Ce sont près de 50 caves anciennes, maçonnées en grès d'extraction locale, très souvent extrêmement bien conservées et parfois sur deux niveaux, qui ont été recensées au cours de cette étude. Leur analyse détaillée permet non seulement de mieux connaître les techniques de construction en milieu urbain au Moyen Âge, mais offre aussi un catalogue typologique de premier ordre par la variété, l'élégance et la longévité des architectures mises en oeuvre et des supports utilisés, pour les plus vastes d'entre elles. Locaux de commerce, spécifiquement tournés vers le stockage et la conservation du vin, leur position dans le parcellaire autorise la reconstitution de grands domaines médiévaux, de certaines portions de la voirie, et permet d'échafauder des hypothèses intéressantes sur l'existence de bâtiments civils aujourd'hui disparus. C'est donc un patrimoine de premier ordre, le plus ancien de la ville, qui est conservé sous nos pieds, livre ouvert sur le Moyen Âge urbain qui ne demande qu'à être feuilleté.
Comment les grandes unités territoriales se sont-elles consolidées au cours du Moyen Âge ? La définition des frontières fut-elle du seul ressort du pouvoir ? Les études de cas analysent des entités représentatives supra-locales depuis la péninsule ibérique jusqu'à Byzance, en passant par le nord de l'Europe et la Méditerranée italienne. Les diocèses et principautés apparaissent ici non comme de simples limites, mais aussi comme des confins socio-culturels, interrogeant identités et altérités sur un territoire donné.
Fêtes de précepte, fêtes civiques, jours fériés, autant de réalités qui, dès le Moyen Âge, à l'époque moderne et jusqu'à nos jours, rythmèrent le temps des sociétés occidentales. Ces fêtes sous-tendent une adhésion à des valeurs - qu'elles relèvent du temps sacré ou du temps profane -, mais aussi un rapport au travail - proscrit à ces occasions. Sont ainsi envisagés l'origine des fêtes chrétiennes, leur développement, les obligations liées et, en corollaire, les comportements qu'elles suscitent, qu'ils s'inscrivent ou non dans la norme. En lien intervient la question de l'attitude des autorités ecclésiastiques et civiles face à d'éventuelles déviances, en prenant en compte les ruptures confessionnelles (protestantisme), l'évolution des sociétés et les critiques formulées sur la base de motifs sociaux, économiques ou philosophiques. Le xixe siècle marquera un tournant fondamental qui, tout en établissant de nouvelles fêtes, liées à la laïcisation en vigueur, conservera un statut privilégié à nombre de moments religieux.
Qui les entrepreneurs du Moyen Âge étaient-ils et comment géraient-ils leurs affaires ? Ce sont les questions qu'éclaire le livre de raison de Jean Teisseire : cette source inédite du XIVe siècle nous plonge dans la ville d'Avignon au temps des papes et offre une perspective nouvelle dans l'histoire de l'univers mental d'un chef de famille et d'entreprise. Ce document, complété de plusieurs centaines d'actes notariés conservés avec minutie par cet homme, nous entraîne dans la maisonnée et l'ouvroir d'un artisan. L'intimité du quotidien d'une boutique se donne à voir et nous permet de dévoiler ce que les sources médiévales n'offrent que rarement : un homme au travail, construisant son activité et sa fama par l'écrit. Mêlant anthropologie historique et histoire des techniques, cet ouvrage invite ainsi à suivre la carrière et la culture gestionnaire d'un entrepreneur, révélateur de réseaux professionnels et amicaux, à l'échelle d'un quartier, d'une ville, d'une région et même de l'Europe méditerranéenne.
Depuis vingt ans, la construction de politiques laïques de santé publique et la médicalisation de l'hôpital ont fait l'objet de travaux majeurs. Grâce à des sources inédites et des méthodes novatrices, cette série de travaux sur la santé des populations civiles et militaires retrace les mutations des structures de soins traditionnelles et étudie le regard des populations sur les formes nouvelles d'assistance sanitaire. Dès la fin du xviie siècle, les populations militaires sont prises en charge par des institutions laïcisées et médicalisées -thérapeutiques ou thermales- qui serviront de modèle aux hôpitaux civils du xixe siècle. Dans le même temps est créé un corps de santé militaire qui veille en temps de paix à la santé des troupes, traite les blessures des combattants et soigne aussi bien militaires que civils dans les territoires soumis par la conquête coloniale. Au xviiie siècle, les populations urbaines connaissent des perspectives sanitaires nouvelles par la diffusion de médicaments prometteurs tels que le quinquina, grâce aussi aux transformations de l'hôpital civil. Ce bouleversement des structures thérapeutiques s'accélère aux xixe et xxe siècles dans le secteur public comme dans le secteur privé. Les patients recourent désormais en nombre croissant à l'hôpital ; ils n'hésitent plus à se plaindre, exigeant le respect de la personne par l'institution médicale.
Les études réunies sous le titre générique Le choc des cultures traduisent le questionnement scientifique de Michel Rouche qui effectua un travail de pionnier dans le champ de l'histoire du Haut Moyen Âge. La permanence de l'Antiquité dans les noms de lieux et la voirie s'étend à travers les cartulaires et les polyptyques depuis le sud de la France jusqu'aux régions du Nord. Cela se traduit par la rencontre de deux civilisations, celle de l'huile et du vin et celle de la bière et du beurre. Cette concrétisation se marque au quotidien par la nature des repas mais aussi des types de maladies. Les sociétés « barbares » se frottent et s'inspirent du modèle impérial romain, de là, naissent les grands ports de la mer du Nord mais aussi la privatisation par Dagobert des terres publiques confiées aux églises. À l'État unitaire se substitue, dans le courant du viie siècle, les régionalismes, notamment celui de l'Aquitaine. La déstructuration des repères sociaux conduit le christianisme à redéfinir un ensemble de valeurs autour de l'engagement, non dans la perspective de l'accumulation de l'Avoir par la conquête du pouvoir mais comme une libération de l'Être qui se fond dans l'Un, à l'instar des ermites. Le mariage et le célibat consacré participent d'une démarche identique dans une quête fidèle de l'Autre et dans le respect réciproque jusqu'à l'accomplissement final dans la mort, prévue et organisée. Du choc des cultures naquit ainsi un nouveau modèle social qui allait façonner la civilisation occidentale.
Dès le Haut Moyen Âge, la cour de France observe une pratique qui frappe par son ampleur et sa persistance à travers les siècles : elle se déplace régulièrement d'une résidence à l'autre et traverse parfois le pays entier dans le cadre de grands voyages. Ce mode de vie a laissé des témoignages émerveillés des contemporains qui assistaient au passage d'un cortège dont la taille pouvait atteindre 14 000 personnes. Peu étudiée, cette pratique du pouvoir est au coeur du présent ouvrage qui explore la mobilité royale sur le temps long et dans une perspective comparative. Il permet de mieux appréhender les effets de l'itinérance sur la vie politique et sociale ainsi que sur la cour royale qui en a été profondément marquée. L'histoire des déplacements est révisée grâce à une étude statistique inédite portant sur cinq siècles ; ses particularités émergent d'enquêtes dédiées à d'autres cours européennes et à la mobilité de grands courtisans. En s'inscrivant dans la recherche sur les pratiques du pouvoir, les dix-huit études réunies dans cet ouvrage proposent un regard neuf sur une tradition indissociable de l'histoire politique française et européenne.
Voici, pour la première fois réunis, les principaux articles que l'auteur a publiés entre 1984 et 2010. Qu'ils s'intéressent aux rituels funéraires et au processus de christianisation des sociétés barbares, au paysage des contrées littorales ou au devenir des vieilles cités, à l'émergence d'une nouvelle économie portuaire ou à la floraison monastique, aux communications terrestres ou aux mouvements de bateaux, c'est toute l'histoire des mers du nord de l'Europe et de leurs régions riveraines qui est ici brassée, entre le déclin de l'Empire romain dont elles n'étaient qu'un horizon lointain et l'émergence de l'Occident médiéval dont elles sont devenues le centre. Dans le premier volume Peuples, cultures, territoires, on trouvera les études relatives aux contacts ethniques et culturels entre les peuples barbares du Nord, en particulier à leur christianisation, et à l'histoire des paysages et des sociétés littorales ; et dans le second volume Centres, communications, échanges, on trouvera les études relatives aux « places centrales » héritées des temps anciens (les cités) et aux nouveaux pôles de vie et d'activités humaines (les monastères, les emporia), à la logistique des communications maritimes, fluviales et terrestres, et à toutes les formes d'échanges (de l'échange primitif à l'échange commercial) qu'elles ont rendues possibles.
Voici, pour la première fois réunis, les principaux articles que l'auteur a publiés entre 1984 et 2010. Qu'ils s'intéressent aux rituels funéraires et au processus de christianisation des sociétés barbares, au paysage des contrées littorales ou au devenir des vieilles cités, à l'émergence d'une nouvelle économie portuaire ou à la floraison monastique, aux communications terrestres ou aux mouvements de bateaux, c'est toute l'histoire des mers du nord de l'Europe et de leurs régions riveraines qui est ici brassée, entre le déclin de l'Empire romain dont elles n'étaient qu'un horizon lointain et l'émergence de l'Occident médiéval dont elles sont devenues le centre. Dans le premier volume Peuples, cultures, territoires, on trouvera les études relatives aux contacts ethniques et culturels entre les peuples barbares du Nord, en particulier à leur christianisation, et à l'histoire des paysages et des sociétés littorales ; et dans le second volume Centres, communications, échanges, on trouvera les études relatives aux « places centrales » héritées des temps anciens (les cités) et aux nouveaux pôles de vie et d'activités humaines (les monastères, les emporia), à la logistique des communications maritimes, fluviales et terrestres, et à toutes les formes d'échanges (de l'échange primitif à l'échange commercial) qu'elles ont rendues possibles.
Si l'on sait que, de 1848 à 1851, la « journée insurrectionnelle » est autant valorisée que stigmatisée, les participants aux barricades parisiennes sont encore mal connus. L'approche socio-biographique éclaire ce que participer veut dire et représente aux yeux des protagonistes des journées révolutionnaires. La révolution de 1848 est un moment d'entrée en politique de milieux sociaux relégués jusque-là à la marge de l'espace public. La répression des journées de juin définit le processus inverse de leur sortie de la participation citoyenne. Aussi, cette étude souligne ce que fut l'apprentissage de l'illégitimité de la culture des armes du « citoyen-combattant ». Cette perte de légitimité, à l'origine de la condamnation de toute forme de lutte armée dans l'espace public républicain, s'inscrit dans un temps long du désarmement de la société civile en France. Elle en est une des étapes capitales Ce livre apporte une nouvelle compréhension des « milieux populaires » des années charnières du xixe siècle, à partir d'un vaste corpus de requêtes envoyées par la suite aux autorités. Il suggère une nouvelle voie pour l'étude des milieux sociaux peu habitués à écrire sur eux-mêmes.
Vrai journal, tenu par un vrai curé de campagne, ce document nous vient d'un village situé sur la frontière belge, dans l'ancien Tournésis, Rumegies (Nord, arrondissement de Valenciennes, commune de Saint-Amand-les-Eaux). Là, vécut, au tournant des xviie et xviiie siècles, le curé Alexandre Dubois, qui dirigea sa paroisse pendant 53 ans (1686-1739), partageant en tout les joies et les épreuves de son troupeau, dans une région où des guerres atroces achevaient de fixer les limites de la France. Dans le Journal qu'il tint pendant environ 25 ans, on voit revivre avec une extrême précision un de ces petits groupes humains qui échappent généralement aux prises de la science et qui pourtant constituent la substance même du passé. On lie connaissance avec un prêtre droit, rigide même et pourtant plein de passions et de préjugés. On découvre dans un cadre restreint les contrecoups parfois tragiques des malheurs et des controverses de ce temps. Le lecteur ne pourra plus oublier certains cris de douleur devant des excès de misère : « On était las d'être au monde » (1694) ou « Le Jugement dernier sera-t-il plus effroyable ? » (1709). Aux historiens d'utiliser cette riche matière. Ce document saisissant méritait une nouvelle édition, les deux premières qui datent de 1965 (Paris, Le Cerf) et 1997 aux Presses Universitaires du Septentrion étant tout à fait épuisées.
L'aventure d'une cité tisserande et frontalière du département du Nord qui devint entre les deux guerres l'un des plus célèbres bastions du communisme français. Analyse la nature du communisme local, les rôles qu'il accepta de jouer auprès d'une société victime de l'érosion de ses repères identitaires.
Qu'y a-t-il de religieux dans les guerres de religion des xvie-xviie siècles ? Guerres entre chrétiens et non croisades, guerres civiles dans lesquelles la frontière entre amis et ennemis ou entre soldats et simples sujets s'efface, conjonction dramatique d'émeutes urbaines, de révoltes paysannes, de soulèvements contre les nouvelles formes d'exercice du pouvoir et de massacres inouïs plus souvent qu'opérations militaires d'armées en bon ordre, elles brouillent les pistes, déjouent les interprétations trop simples, soulèvent d'innombrables questions. Pour en comprendre l'originalité profonde et le rôle décisif dans la naissance de l'Europe moderne, il faut donc croiser plusieurs analyses : une histoire comparée des guerres dans les différents territoires pour en saisir les spécificités nationales ou confessionnelles ; une étude des différents acteurs et des justifications qu'ils donnent à leur engagement dans la guerre ou dans la paix ; une description minutieuse, enfin, des formes particulières de la violence qui s'observe alors. C'est ce défi que ce livre entend relever en faisant le choix d'une perspective européenne et d'une documentation inédite, car au même titre que l'humanisme et la Renaissance, mais sur un tout autre registre, plus inquiétant, les affrontements religieux des xvie-xviie siècles constituent peut-être le creuset dont est sortie l'Europe moderne.
En général l'agriculture stagna dans la médiocrité jusque vers 1850. Dans le Nord au contraire le Moyen Age vit naître l'agriculture flamande. Ce fut une polyculture aux assolements complexes faisant une place de plus en plus grande à l'avoine (dès l'an Mil), aux fourrages (vers 1150), et à des plantes jusque-là confinées dans les courtils, textiles, tinctoriales et oléagineuses (vers 1400). Ce fut aussi une agriculture intensive avec des chevaux de plus en plus puissants et bien harnachés, avec la suppression progressive des jachères, de nombreux labours, le bêchage parfois, beaucoup de fumiers et des rendements somptueux, tant à la surface qu'à la semence. Ce fut enfin une culture spéculative, ouverte sur le commerce, toujours à l'affût du progrès, dans un climat capitaliste et dans la plus totale liberté. Les initiateurs en furent les petits paysans, car l'agriculture flamande ne fut que l'extension aux pleins champs de la culture des courtils.
Les représentations de l'argent sont rares et contrastées dans la littérature comme dans l'iconographie médiévales. Cependant l'usure est au coeur des débats des théologiens, et les prédicateurs dénoncent l'avarice auprès de populations accablées d'impôts et constamment préoccupées par l'altération des monnaies. La dette, la dîme et le denier est une analyse sémantique centrée sur les champs lexicaux de la monnaie, de l'impôt, de la dette, du revenu et des métiers de la finance. Elle a été conduite à partir d'un corpus central de textes en moyen français d'auteurs proches de Charles V (Philippe de Mézières, Evrard de Trémaugon, Christine de Pisan et Nicole Oresme) élargi aux autres textes de la période 1355-1405. Portant sur cet axe diachronique, époque de crises économiques et financières et de bouleversements majeurs (création du franc, naissance de l'impôt d'État), cet ouvrage présente et analyse le vocabulaire économique et financier à la fin du Moyen Âge pour des lecteurs historiens, linguistes, économistes, soucieux d'appréhender les fondements des mécanismes financiers. Le vocabulaire économique et financier du Moyen Âge fonctionne selon la problématique du « dû » autour des échanges pécuniaires et des dettes financières et morales. Cet ouvrage illustre, par l'originalité et la rigueur de son analyse, la représentativité d'une pensée occidentale médiévale, opposant la spiritualité du divin à la matérialité peccamineuse de l'argent, alors que nombre de notions sont communes aux champs lexicaux de l'argent et de la morale.
Entrepris à l'automne 1994, le recensement des caves médiévales de Lille a nécessité cinq ans d'investigation et de traitement des données recueillies. Deux objectifs prioritaires étaient définis : évaluer le potentiel architectural médiéval encore présent dans les sous-sols, et, par l'intermédiaire de son étude, tenter de mieux comprendre l'organisation de la ville médiévale et son évolution. 26 caves ont ainsi été relevées, situées principalement entre l'ancien port fluvial et la place du marché de la ville. Seuls témoins architecturaux de la ville médiévale, elles renseignent sur les techniques et les matériaux de construction pour une période très mal documentée à Lille, du xiie au xve siècle. De plus, la confrontation avec les documents d'archives encore conservés, a permis de souligner le caractère essentiellement économique de ces locaux de stockage, appartenant bien souvent à la bourgeoisie commerçante urbaine ; des hypothèses sur l'organisation et l'évolution de la trame urbaine depuis le xie siècle sont aussi proposées, en associant l'analyse des plans des caves et celui du parcellaire. Seuls vestiges médiévaux conservés, les caves se sont révélé être un outil tout à fait privilégié d'étude de la ville, contribuant à approfondir les connaissances sur l'histoire de Lille.
L'industrialisation du xixe siècle a oblitéré la mémoire du Nord : le sud du département fut cependant jusqu'à la Révolution un grand centre européen de production de la pierre : des carrières de l'Ostrevant - région située entre Douai et Valenciennes - des centaines de chariot convoyaient jusqu'aux chantiers douaisiens ou valenciennois la pierre de grès dont les chargements remontaient encore sur de lourdes péniches la Scarpe ou l'Escaut pour alimenter, de Gand à Utrecht, les grandes villes flamandes ou brabançonnes. À travers l'exemple des chantiers de fortification de Douai, l'auteur évoque la politique d'une ville des anciens Pays-Bas en matière de construction. Exploitant un ensemble de sources inédites, il retrace la genèse des fortifications, situe leur place dans l'histoire de l'art et étudie l'organisation et les techniques de construction dans une ville médiévale. La richesse de la documentation rassemblée permet de souligner l'activité exemplaire du bâtiment dans ces régions des anciens Pays-Bas qui explique et annonce - avec son avance technologique - l'essor industriel du xixe siècle.
Au haut Moyen-Âge, une femme mariée avait environ deux chances sur trois de survivre à son mari, ce qui posait la question de son devenir, de son rôle, de sa marge de manoeuvre, des biens échangés au moment du mariage et laissés par le défunt. Croisant les approches tant juridiques et religieuses qu'économiques, sociales et anthropologiques, la présente étude envisage ces différents aspects de la fin du vie à la fin du xie siècle, dans un espace compris entre la Flandre et le Poitou. Elle vise à montrer la spécificité des veuves par rapport aux autres femmes mais aussi par rapport aux veufs, et à cerner les principales mutations, liées notamment aux transformations de l'époque carolingienne et à celles qui apparaissent au xe siècle. Après avoir montré en quoi la mort du mari constituait une rupture, notamment en termes de protection et de devenir, elle s'intéresse aux options possibles pour les veuves, en insistant sur leur place dans les stratégies familiales, puis s'attache à cerner leur rôle, notamment dans la mémoire et les transferts patrimoniaux, ainsi que les pouvoirs qu'elles étaient susceptibles d'exercer.
Alors qu'il s'est réfugié à l'automne de 1444 dans une petite ville autrichienne pour échapper à l'épidémie de peste qui règne dans l'entourage de Frédéric III, où il vit, Æneas Silvius Piccolomini, qui deviendra pape en septembre 1458 sous le nom de Pie II, consacre ses loisirs forcés à composer une épître contre la vie de cour. Cette lettre, adressée à son ami Johannes von Eych, conseiller de l'empereur, est rédigée en quelques semaines seulement. Elle constitue un bon exemple de l'attitude humaniste à l'égard du taedium curiae. Nourrie de multiples références à la littérature latine classique (Juvénal et Cicéron), elle doit aussi beaucoup aux écrits de Poggio Bracciolini et du théologien médiéval Pierre de Blois. En raison de son importance littéraire, la composition de Piccolomini a très rapidement reçu les honneurs de traductions. C'est le domaine français qui inaugure la série des translations, avec une transposition réalisée avant juillet 1477, aujourd'hui conservée dans le manuscrit, Paris, BnF, fr. 1988. Demeuré inédit, ce texte mérite une attention toute particulière. Il illustre clairement les difficultés liées au passage d'un idiome à un autre, surtout quand le latin humaniste de départ est nourri de citations prélevées dans le latin classique, mais aussi influencé par l'italien, langue maternelle de l'auteur. C'est pourquoi le classique travail philologique d'établissement du texte est ici accompagné d'une analyse des moyens que le traducteur a mis en oeuvre pour rendre sans trop d'infidélités son modèle.
Durant les 3e et 4e législatures de la iiie République (1881-89), les parlementaires du Nord ont formé un groupe cohérent mais singulier. Bien plus riches que leurs collègues extra-départementaux, ils ont continué d'appartenir aux clans économiques qui ont accaparé le pouvoir local depuis la fin du xviiie siècle, associant endogamie et subtiles stratégies matrimoniales. Ainsi surgissent de l'ombre l'agglomération lilloise et le sucre, le littoral dunkerquois et la noblesse d'extraction récente, Roubaix-Tourcoing et le textile, le Cambrésis-Valenciennois où la fortune foncière se lie au notariat et à l'industrie minière. Beaucoup d'élus sont demeurés muets et peu actifs. Les plus dynamiques, souvent juristes, se sont recrutés surtout dans les rangs de la Droite et du Centre-gauche et ont privilégié la tribune au travail en commission. Les conservateurs ont été pugnaces dans le débat militaire et scolaire. Républicains et conservateurs du Nord se sont opposés dans le débat constitutionnel et clérical. Mais tous ont mêlé leurs voix sur les questions économiques, défendant ensemble les théories protectionnistes, le travail national et les économies budgétaires. L'ouvrage, synthèse d'une thèse de doctorat soutenue en 2004, contient de nombreux documents généalogiques, tableaux de synthèse et matériaux d'histoire parlementaire pour une meilleure connaissance de cette décennie fertile en crises qui scandent la période comme autant de respirations nécessaires, impétueuses et incontrôlables - la crise boulangiste n'en constituant pas la moindre.