Dans la seconde moitié du xviiie siècle, à Lyon comme dans les autres villes françaises, le voisin devient l'objet d'un débat et son statut est âprement discuté : quelle place faut-il lui accorder dans l'économie des relations quotidiennes ? Comment limiter son intrusion sans briser les solidarités traditionnelles indispensables à la survie de chacun ? Plus généralement, de quelle manière peut-on concilier l'aspiration croissante à une existence à la fois plus intime et plus individuelle et les nécessités d'une vie sociale encore fortement marquée par les anciennes pratiques collectives ? À partir d'un examen rigoureux des archives judiciaires, ce livre se propose d'évaluer la diffusion des nouvelles normes de civilité dans la seconde ville du royaume. Attentif au long « processus de civilisation » et aux résistances qu'il suscite, il s'efforce d'analyser la mutation des sensibilités et des comportements à l'oeuvre dans toutes les couches de la société lyonnaise au crépuscule de l'Ancien Régime.
Cluny, l'abbaye bénédictine la plus puissante du Moyen Âge est au coeur d'un paradoxe. Retirés du monde pour se consacrer à la prière, les moines ne cessent d'agir sur le monde. Accumulant les donations des aristocrates soucieux de leur salut, ils deviennent de puissants seigneurs. Versés dans la méditation et la copie des textes anciens, ils pensent le monde et tentent de l'ordonner selon leur schéma idéal. Cela ne va pas toujours sans heurt. La Paix clunisienne doit se confronter au pouvoir des évêques, des seigneurs laïques et des communautés d'habitants. C'est le cas dans le bourg de Cluny. Défini comme un lieu d'asile, inviolable et soumis à la seule domination de l'abbé, il se développe aux portes du monastère à partir de l'an mil. Là les moines rêvent d'établir une communauté préfigurant la cité céleste, annulant toute attache charnelle au profit d'associations spirituelles dont ils sont les pivots. Le développement du commerce, la concurrence très forte des agents du roi dans le domaine de la justice et l'organisation des communautés paroissiales introduisent la discorde dans cette sphère voulue parfaite.
Le sort d'une métropole se joue en partie dans ses relations avec l'extérieur. Telle est l'idée que met à l'épreuve cet ouvrage. En une douzaine de contributions, on se propose de montrer comment, aux époques médiévale et moderne, la ville de Lyon fut aussi construite dans l'échange avec des villes qui étaient tout à la fois ses partenaires, ses concurrentes et le miroir de ses propres mutations. De multiples acteurs hommes d'Église et gens du roi, marchands et financiers, peintres et poètes de passage, chroniqueurs éloignés dans l'espace et dans le temps ont façonné la ville et son image. Les matériaux variés qui permettent d'en rendre compte proviennent souvent d'archives de villes ayant entretenu des relations étroites avec Lyon : la correspondance des marchands d'Augsbourg et de Nuremberg, les livres de compte de la compagnie florentine Salviati retrouvés à Pise, les documents du Castillan Simón Ruíz conservés à Valladolid. Les bibliothèques et les musées d'Europe livrent aussi des témoignages littéraires et iconographiques qui restituent fût-ce de façon partielle une autre image de Lyon. L'enquête n'oublie pas le regard des Grenoblois, contrariés parfois par leur puissante voisine ! L'autocélébration, en tout cas, est d'autant moins de mise dans tous ces documents que les points de vue externes sur l'histoire de Lyon ont été privilégiés par des auteurs venus d'horizons très variés. Ont contribué à cet ouvrage : Ilaria Andreoli (Paris) ; Francesco Battistini (Carrara) ; Stéphane Bruneau-Amphoux (Lyon) ; Hilario Casado Alonso (Valladolid) ; Fabrice Delivré (Paris) ; Delphine Estier (Lyon) ; René Favier (Grenoble) ; Jean-Louis Gaulin (Lyon) ; Mark Häberlein (Bamberg) ; Christoph Oliver Mayer (Dresden) ; Agnès Pallini-Martin (Paris) ; Susanne Rau (Erfurt) ; Jacques Rossiaud (Lyon) ; Roberto Tolaini (Genova).
À la veille de la Grande Guerre, bien des observateurs notaient que les Français commençaient à s'habituer à la liberté de la rue, et que les cortèges de manifestants, catholiques ou nationalistes, pacifistes ou révolutionnaires, n'attiraient plus les foudres de l'autorité. Par quelles voies et à quel moment les manifestations, « symptôme non équivoque d'anarchie » en 1848 encore, sont-elles devenues une forme normale d'expression politique des citoyens ? La réponse a été cherchée dans le foisonnement des cortèges rituels, convois funéraires et processions, carnavals et conduites compagnonniques, qui sillonnaient l'espace d'une grande ville, le Lyon de la deuxième moitié du xixe siècle, dans les cris et les chants, sur les bannières et les pancartes : comment le politique naît du folklore et des traditions, qu'il nourrit à son tour.
L'UMR 5648, Histoire et archéologie des mondes chrétiens et musulmans médiévaux, est l'un des rares centres de recherche rassemblant aussi bien des spécialistes travaillant sur tout le bassin méditerranéen, s'intéressant à l'Occident chrétien, au domaine byzantin et au monde musulman (oriental et occidental), que des historiens des textes et des archéologues. La réunion de ces compétences a permis de proposer un choix de documents très divers, en rapport avec le sujet mis au programme de l'agrégation et du CAPES d'histoire pour les années universitaires 2000-2001 et 2001-2002 (Les relations des pays d'Islam avec le monde latin : milieu xe-milieu xiiie siècle). Certains de ces textes sont traduits pour la première fois de l'arabe, du latin ou des langues romanes qui en dérivent au Moyen Age. Au delà de la conjoncture qui a incité à réunir ces documents, on aura un aperçu de la diversité et de la richesse des possibilités de recherche sur ces espaces de confrontation et de contacts. 78 documents réunis et présentés par l'UMR 5648, Histoire et archéologie des mondes chrétiens et musulmans médiévaux.
À l'occasion d'une exposition à la bibliothèque municipale de Lyon, des historiens des textes, des os et des images ont rouvert le dossier de la mort au Moyen Âge. Mais c'est dans une perspective nouvelle, en optant pour le quotidien et le concret, qu'ils ont mené l'enquête sur ce sujet maintenant traditionnel. « De la pastorale de la peur à l'interrogation anxieuse des revenants, de la couleur du deuil aux processions mortuaires, du positionnement du corps dans la tombe au mobilier funéraire : voilà, en un bref survol, le parcours offert au lecteur par un ouvrage novateur, riche en faits, et qui comptera dans l'historiographie du sujet » (Jean Delumeau).
Le thermalisme naît bien avant le XIXe siècle. Social, médical et culturel, le phénomène est connu dès l'Antiquité et la documentation médiévale atteste la fréquentation parfois soutenue de sites connus pour certains dès l'époque romaine. Mais il faut attendre la fin du Moyen Âge pour que se développent des pratiques thermales inédites, où le thérapeutique l'emporte sur le récréatif. Dans le même temps, les autorités publiques s'efforcent de faire fructifier ce patrimoine (en Italie, puis en Allemagne notamment). Essor d'une culture balnéaire, dont la littérature se fait l'écho : prônant les vertus minérales des eaux, les traités savants proposent des règles de vie à adopter durant la cure. Une première.
Les soixante-six études rassemblées dans ces deux volumes veulent témoigner de la vitalité et du profond renouvellement de l'histoire médiévale politique et religieuse. Elles sont offertes par ses collègues français et étrangers à Marcel Pacaut, qui en fut un des plus actifs représentants durant plus de trente ans d'enseignement à l'Université de Lyon. Le volume I : Le pouvoir et l'institution ecclésiale, aborde deux thèmes essentiels : - La papauté médiévale - dont l'histoire ne peut plus se concevoir simplement comme celle de la succession des papes - et les relations de l'Église et de l'État. - Le monachisme médiéval, dans son unité et sa diversité, au carrefour du ciel et de la terre, et dont l'empreinte sur la civilisation occidentale demeure toujours présente.
Les soixante-six études rassemblées dans ces deux volumes veulent témoigner de la vitalité et du profond renouvellement de l'histoire médiévale politique et religieuse. Elles sont offertes par ses collègues français et étrangers à Marcel Pacaut, qui en fut un des plus actifs représentants durant plus de trente ans d'enseignement à l'Université de Lyon. Le volume II : Les Eglises locales, envisagées ici sous deux angles : - L'analyse des structures ecclésiales dans, depuis le diocèse jusqu'à la paroisse, où se modèle au quotidien la vie religieuse et spirituelle des fidèles. - L'étude d'un cas précis - celui des églises des anciens pays bourguignons (royaume d'Arles, duché de Bourgogne) - ancrage nécessaire d'une recherche soucieuse d'approcher le plus concrètement possible les réalités humaines, pour pouvoir mieux les replacer ensuite dans les grands courants de l'histoire générale.
Acteur copieusement conspué, auteur tout juste digne d'être élevé au rang de "Rousseau des ruisseaux", alcoolique notoire, terroriste sanguinaire, qui adule Robespierre avant de lâchement le trahir... telle est la vulgate communément admise à propos de Collot d'Herbois, après deux siècles d'écriture historique Passé écrit, voire réécrit par les vainqueurs ? Sans doute, et Collot d'Herbois. au-delà de la vie. y a perdu son âme. L'opprobre qui pèse encore sur lui l'a banni de la mémoire collective des citoyens français, alors même qu'il fut l'un des personnages majeurs de l'an II Pourtant, en dépit d'une légende noire tenace, les archives dispersées, oubliées, parfois délibérément passées sous silence, permettent aujourd'hui de tracer un portrait singulièrement différent de celui qui écrivait en l'an III, à l'heure de ses derniers combats politiques ; "C'est à la fin de la Révolution, morts ou vivants, que nous serons tous jugés, et cette fin ce sera, malgré vous, la République démocratique : n'en doutez pas." Il est temps de comprendre le personnage, de lui redonner la place qui fut la sienne dans le "monde des ombres" du xviiie siècle comme dans l'instant révolutionnaire.
Dans la société médiévale, peuplée en majorité d'illettrés, accessibles seulement à l'oralité, les récits exemplaires (ou exempla) circulent dans tous les registres de la littérature didactique, depuis le Miroir des princes jusqu'au plus humble sermon prononcé devant un auditoire plus ou moins attentif. Afin de venir en aide au prédicateur en mal d'inspiration, les recueils d'anecdotes exemplaires se multiplient, à partir du xiiie siècle. Jean Gobi le Jeune ( + 1350) propose dans son Echelle du Ciel (Scala coeli) un millier de ces récits corsetés dans un appareil didactique sophistiqué. Mais malgré un objectif pastoral fortement affirmé dans son prologue, ce Dominicain se laisse parfois prendre au charme du conte, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs et l'intérêt des spécialistes de l'histoire des textes. L'autre oeuvre de Jean Gobi le Jeune - un dialogue avec un revenant - apparaît comme un maillon essentiel dans la mise en place du culte des âmes du purgatoire à partir du xive siècle. Ces textes, encore peu connus, sont analysés dans quatre perspectives complémentaires : exemplarité et éducation, une oeuvre entre oralité et écriture, encadrement des comportements sociaux et des attitudes religieuses. Écrits en latin, ces ouvrages sont rendus accessibles aux lecteurs par de nombreuses traductions.
Distance et défiance, intégration ou intimidation : les rapports qu'entretiennent les palais, sièges de la puissance souveraine, au tissu urbain qui les environne disent toujours quelque chose de la relation politique du souverain à ses sujets. Mais si les palais médiévaux ont fait l'objet, ces dernières années, d'enquêtes attentives, leur insertion dans l'univers urbain a beaucoup moins retenu les historiens et, paradoxalement, l'enjeu qu'ils représentent désormais dans la politique du patrimoine et l'économie du tourisme ne contribue pas toujours à les rapprocher des citadins qui vivent quotidiennement près d'eux. Le cas du palais des Papes et de la ville d'Avignon, où se sont déroulées les rencontres scientifiques à l'origine à ce volume, est à cet égard emblématique. C'est une double lecture, archéologique et urbanistique d'une part, idéologique et politique de l'autre, que proposent les essais rassemblés dans ce livre. Aucun ne cherche à tout prix à analyser les monuments étudiés comme des « manifestations architecturales » de phénomènes politiques connus par ailleurs car le rapport qu'entretiennent les lieux de la puissance et les sociétés citadines peut, dans bien des cas, infléchir ou nuancer, redéfinir ou masquer le lien politique. Sans se contenter d'une simple lecture interprétative des configurations urbaines, chaque auteur cherche donc à éclairer l'articulation, au sol et dans l'espace, du palais à la ville aussi bien par l'analyse archéologique que par celle des textes, des traités théoriques ou des actes de la pratique qui expriment la souveraineté. Le comparatisme est toujours ici d'un puissant secours. L'espace géographique retenu est donc vaste puisqu'il comprend la France du Sud, l'Italie communale, seigneuriale et princière (notamment, bien entendu, l'Italie centrale pontificale), l'Espagne chrétienne et musulmane, le Maroc des villes impériales. De la confrontation de différentes configurations d'espaces et de pouvoirs dans les mondes chrétien et musulman, peut s'esquisser une première typologie des liens entre le palais et la ville médiévale, d'où ne sont pas absents les modèles qui circulent, d'une rive à l'autre de la Méditerranée.
L'ouvrage étudie les tensions suscitées par une campagne de prédication faite à Genève en 1430, pendant quelques semaines, par Baptiste de Mantoue, un moine du monastère de Sainte-Justine de Padoue, réformé quelques années auparavant par Ludovico Barbo, initiateur de l'Observance bénédictine. Accueillie très favorablement par la population et les autorités de Genève, la prédication de Baptiste finit par être publiquement dénoncée comme erronée par le frère dominicain Raphaël de Cardona, présent aux sermons, ce qui entraîna l'intervention de l'inquisiteur Ulric de Torrenté. Grâce à un dossier conservé à l'Archivio di Stato de Turin, et qui a transmis entre autres les témoignages de plusieurs auditeurs recueillis au cours de l'enquête, il est possible d'entrevoir comment ont été reçus les sermons et de reconstituer les implications complexes, à la fois religieuses et politiques, de cet épisode. Attaqué par les dominicains, soutenu par les franciscains et une bonne partie de la population, Baptiste de Mantoue a pu profiter pendant un certain temps de la bienveillance de l'évêque François de Metz et du duc Amédée VIII de Savoie, qui étaient alors engagés dans un jeu subtil pour le contrôle de la ville de Genève. Au-delà du fait divers, la crise provoquée par les prédications du bénédictin permet d'observer les nombreuses rivalités qui opposaient à ce moment les principaux protagonistes du conflit et donc, en définitive, d'éclairer le mode de fonctionnement complexe de la vie politique, sociale et religieuse à la fin du Moyen Âge. Le moment où se noue la crise voit en effet Amédée VIII oeuvrer pour une réforme profonde du duché, l'inquisition dominicaine tenter d'asseoir son pouvoir en Suisse romande, et le pape Martin V - qui est intervenu directement dans l'affaire à plusieurs reprises - être soucieux de reprendre en main la direction d'une Église et d'une Chrétienté qui venaient depuis seulement quelques années de retrouver leur unité. Est aussi proposée l'édition des dépositions des témoins et des documents qui les accompagnent, avec leur traduction en français.