Aux XIe-XIIe siècles, des populations venues du nord des Pyrénées s'installent en péninsule Ibérique. La vallée de l'Èbre devient une terre d'accueil privilégiée pour ces femmes et ces hommes désignés sous le nom de francos par l'historiographie et dans les sources. Au regard de ces dernières, le terme définit aussi bien la personne libre que celle issue d'au-delà de la chaîne pyrénéenne. Dans ce second sens, il désigne des guerriers venus combattre contre les musulmans dans le cadre de la Reconquista, comme des artisans et des marchands qui participent au dynamisme des villes du royaume d'Aragon et de Pampelune. Il se rapporte enfin à des clercs qui participent à l'implantation de la Réforme grégorienne dans des Églises jusqu'alors restées fidèles aux usages locaux. Alexandre Giunta révise dans cet ouvrage la totalité du dossier documentaire, mettant en lumière plusieurs textes encore négligés et surtout apportant à sa relecture le produit des travaux les plus récents de sociologues et d'anthropologues intéressés par les questions migratoires. Il s'agit d'une contribution de premier plan, non seulement à l'histoire médiévale de la péninsule Ibérique mais plus largement aux études sur les mouvements de populations au Moyen Âge.
Ce livre, version remaniée d'une thèse de doctorat, se propose d'étudier les relations entre juifs et chrétiens dans l'espace aragonais au XIIIe et première moitié du XIVe siècle. Durant ces 150 ans, la position des juifs y évolue de façon significative : ils passent d'une situation souvent qualifiée d'Âge d'Or - surtout si on la compare à ce que vivent leurs coreligionnaires ailleurs en Occident - à une aggravation de leurs conditions d'existence. Il s'agit de mettre en évidence cette évolution et surtout de tenter de l'expliquer. Alors qu'au départ, il existe dans la Couronne d'Aragon un réel décalage entre la position statutaire des juifs définie par l'Église, et la réalité qu'ils vivent au quotidien à mesure que la conjoncture se durcit, les relations avec les chrétiens se compliquent et la vie quotidienne est émaillée d'incidents parfois dramatiques. Pour saisir ces inflexions parfois imperceptibles, les relations entre juifs et chrétiens sont analysées à plusieurs niveaux et au moyen de sources de natures différentes : les documents de la pratique permettent d'appréhender la vie des hommes de toutes confessions dans ce qu'elle a de plus concret, et mettent en valeur la « convivence » qu'ils partagent le plus souvent. Les sources religieuses et théologiques permettent d'étudier la position de l'Église en théorie, mais aussi de voir comment la norme est mise en pratique, notamment au moyen de la prédication dont les juifs font l'objet en vue de leur conversion. Les oeuvres et les démarches d'hommes comme Raymond Lulle ou Raymond Martin, qui sont à la fois des auteurs et des acteurs de la controverse avec les juifs, sont analysées et étudiées dans ce sens. Par ailleurs, les sources hébraïques, Responsa de Salomon ben Adret, compte-rendu de la Dispute de Barcelone en 1263 par Nahmanide, et divers traités d'exégètes et d'halakhistes permettent d'analyser la réaction des juifs au changement d'attitude des chrétiens. Enfin, la position du roi, arbitre des relations sociales dans ses États, est étudiée en filigrane. Les juifs sont pour lui un atout, essentiellement économique mais aussi politique et stratégique au moment où l'État s'élabore, et il les protège et garantit leurs privilèges, bien réels, tout au long de la période. Le choix de ces sources et de ces thèmes a pour ambition d'analyser une histoire « vivante » et mouvante et de saisir l'évolution des relations entre deux groupes dont la coexistence a produit de grandes richesses. Le large éventail de la documentation examinée permet une approche globale de la question et facilite l'analyse des fondements idéologiques des relations économiques et sociales.
Au moins depuis la publication de la thèse d'Alphonse Dupront, en 1997, il est clair que l'idée de croisade a survécu en Occident bien après la mort de Saint Louis sous les murs de Tunis. Néanmoins, l'opinion dominante considère que le récit des expéditions passées, quel que soit le contexte discursif, n'aurait valeur que de substitut et que l'abondance du discours serait à la mesure de l'impuissance des royaumes chrétiens, incapables de résister aux Turcs (sans même parler de la récupération de Jérusalem). Les mots serviraient à combler un vide, à calmer l'inquiétude de l'Occident menacé en entretenant l'illusion d'une force désormais perdue. La douzaine de contributions publiée dans ce volume vise à réévaluer cet ensemble très nourri de textes : la remémoration des hauts faits de Charlemagne ou de Godefroy de Bouillon fonctionne en effet comme un formidable révélateur pour l'historien, car le traitement de la geste croisée livre un portrait social et politique de l'Europe dont il importe de bien évaluer l'actualité. La référence aux heures glorieuses, tout comme le dessin d'une prochaine, et illusoire, victoire, souligne avec acuité les lignes de force d'une époque charnière.
Étudier le financement et la logistique des croisades revient à s'intéresser aux moyens dont disposent les puissances civiles et ecclésiastiques, au Moyen Âge, pour venir à bout d'une entreprise complexe, qui doit être portée dans la durée et en concertation avec des partenaires qui souvent, sur d'autres terrains, sont concurrents, voire ennemis. D'une certaine manière, parce qu'elle touche à la question des finances royales ou pontificales et à celle des moyens militaires, terrestres et maritimes dont disposent les princes et les cités, la problématique du présent volume n'est pas sans rapport avec celle, ô combien féconde depuis plus d'une trentaine d'années, de la genèse de l'État « moderne ». Mais l'ouvrage en donne un aperçu en grande partie inédit. À travers une série de cas choisis dans toute l'Europe, les auteurs s'attachent à analyser la mise en oeuvre pratique de l'esprit pragmatique et de la pensée administrative qui habitent les entrepreneurs de croisade à la fin du Moyen Âge. Il s'agit d'une réhabilitation : l'historiographie traditionnelle a souvent considéré les croisades tardives comme de simples rêveries passéistes ou comme des leurres destinés à influencer le cours des discussions diplomatiques entre souverains chrétiens. En dépit des tentatives avortées et de quelques sanglants échecs, elles appellent un tout autre jugement et une reconsidération : les contributions réunies ici témoignent des limites mais aussi de l'ambition des opérations déployées, à la fin du Moyen Âge, au nom de la défense de la chrétienté.
Si l'étude des ordres religieux-militaires a, ces dernières décennies, bénéficié d'un dynamisme fécond, cet ouvrage explore des voies nouvelles et se distingue à plusieurs titres. Il est original par la réunion, pas si fréquente, d'une quinzaine de spécialistes d'histoire et d'histoire de l'art, comme par son ouverture à des sources jusqu'ici peu considérées : peintures murales, sculptures, objets liturgiques ou encore sceaux. Le croisement des regards dans une véritable interdisciplinarité, la reprise à frais nouveaux de dossiers a priori connus tout comme l'analyse de nouveaux matériaux conduisent à nuancer des certitudes et à remettre en cause quelques lieux communs. Le volume permet de saisir les dévotions et la liturgie des frères du Temple et de l'Hôpital, d'accéder à leur culture visuelle et de mesurer l'ambition de certains ensembles peints ou sculptés. Tout en ouvrant la comparaison à d'autres ordres religieux ou aux élites laïques, l'entreprise espère encourager de nouveaux questionnements sur la place et la singularité du monachisme militaire au sein de la spiritualité et de la culture du Moyen Âge.
Un inventaire après décès est un document précieux. Il s'assimile à une photographie de la demeure du défunt, au moment de son décès, et recense les objets qui s'y trouvent. C'est une source importante pour la connaissance matérielle du cadre de vie, pour l'histoire des pratiques et des techniques, pour l'histoire économique et culturelle. Ce que donne à voir l'inventaire après décès est souvent invisible dans le reste de la documentation conservée pour la fin du Moyen Âge et pour l'Époque moderne. Le fonds de la mairie de Dijon est exceptionnel en quantité comme en qualité. Les documents conservés décrivent l'intérieur de 700 maisons de la ville à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle avec un soin et une précision inégalés. Ils offrent une description sans équivalent du cadre de vie des habitants de cette ville-capitale, de la simple prostituée au riche officier du duc, comme l'un de ses tailleurs ou tel ou tel de ses cuisiniers. Les objets, peu nombreux ici, abondants là, parfois peu communs, comme ces cages à oiseaux, selon la mode des oiseaux chanteurs, ou des boules de senteur venues d'ailleurs, donnent chair à la ville et dessinent une autre image de Dijon et de ses habitants, au plus près de leur existence et de leurs horizons de vie.
Il y a un an de cela, à l'occasion des neuvièmes journées internationales d'histoire de Flaran, nous nous réjouissions de retrouver Charles Higounet parmi nous. Après un printemps qui avait donné de vives inquiétudes à son entourage et à ses amis il avait pu présider le colloque sur les Jardins et découvrir avec nous le jardin de l'abbaye récemment aménagé. Mais il se faisait surtout une joie de participer à ce dixième colloque et de commémorer le centième anniversaire des Annales du Midi, une revue qui lui était particulièrement chère. Souvent au cours des conversations, il évoquait ces deux manifestations avec la crainte secrète de ne pouvoir y participer. Charles Higounet nous a quitté le 8 avril dernier. Au nom de tous les amis de Flaran, de ceux qui, fidèles, assistent à ces journées depuis leurs débuts, au nom aussi de ceux qui sont venus y présenter un rapport ou une communication, je tiens, Madame, à vous exprimer notre tristesse et vous dire aussi combien nous partageons votre peine et comprenons votre solitude. Un hommage officiel a été rendu à Charles Higounet par un de ses anciens élèves et ami, aujourd'hui recteur de l'université de Bordeaux. D'autres hommages sous d'autres formes viendront ces prochains mois. Mon propos sera plus modeste. Je rappellerai simplement ce que les journées internationales d'histoire de Flaran doivent à Charles Higounet, la place aussi qu'elles ont occupée dans sa vie de chercheur au cours des dix dernières années.
Sur la carte des Centres culturels de rencontre de la France, le Sud-Ouest aquitain offrait jusqu'à il y a peu, une plage vide. C'est ce qu'a ressenti le Conseil général du département du Gers qui, ayant acquis l'ancienne abbaye cistercienne de Flaran, près de Condom, au coeur de la Gascogne, et y ayant entrepris une belle restauration avec l'aide des Monuments historiques, a décidé, pour lui donner une vie active, d'y implanter un centre culturel d'envergure nationale. La gestion et l'animation de cet organisme ont été confiées dès novembre 1975 au Comité départemental du Tourisme et des Loisirs dont le président, M. J.P. Joseph, et le responsable de Flaran, M. R. Laffargue, déploient depuis lors des trésors d'imagination pour assurer la réussite de cette grande oeuvre culturelle. Il ne s'agissait pas seulement pour eux de promouvoir des manifestations musicales et théâtrales et d'accueillir des expositions et des rencontres occasionnelles. Ils ont voulu aussi faire de Flaran le siège d'une institution scientifique permanente de haut niveau dédiée à l'histoire. C'est ainsi que sont nées, en démontrant le mouvement en marchant et avec la souriante et combien précieuse collaboration de l'abbé G. Loubès, ces journées internationales d'histoire dont la première session a eu lieu en septembre 1979 et dont ce volume publie les résultats prometteurs.
Les Journées internationales d'histoire médiévale et moderne du Centre culturel de l'ancienne abbaye cistercienne de Flaran, ouvertes en 1979, à l'initiative et sous le patronage du Conseil général du Gers et du Comité du tourisme et des loisirs de ce département, entrent, avec la publication de ce second fascicule, devancée d'ailleurs par la tenue d'une nouvelle réunion, dans leur phase sérielle. Leur programme, déjà défini l'an dernier, veut rester résolument attaché à une histoire qui colle au sol, à un large comparatisme et à une vision européenne n'excluant pas la pointe nécessaire de régionalisme gascon. Après le recueil sur « Châteaux et peuplements », voici donc le résultat des travaux de la session de 1980 sur « L'homme et la route », présenté comme précédemment sous forme de rapports généraux et de courtes communications ponctuelles et complémentaires.
Flaran, fondée en 1151 dans la filiation de Morimond, est l'ancienne abbaye cistercienne la mieux conservée et la plus pittoresque de la Gascogne ; elle est située au coeur d'une des plus denses provinces cisterciennes puisqu'elle était entourée par une quinzaine d'autres maisons de moines blancs ; elle est au centre aussi des vieilles terres rurales d'Armagnac et de Fezensac qui fleurent bon la polyculture et la vigne : autant de raisons qui, après deux ans de « rodage » de ces Journées, ne pouvaient qu'imposer le grand thème de l'économie cistercienne.Certes, la bibliographie de ce thème est déjà immense ; mais il faut reconnaître que dans les études cisterciennes qui se multiplient, l'économie de l'Ordre vient bien après l'art et la spiritualité. Cependant, c'est parce que l'abondance des monographies est devenue telle que nous avons pensé qu'un effort de synthèse et une nouvelle discussion étaient nécessaires pour essayer de faire le point et de repartir, peut-être, à nouveaux frais.
Cet l'ouvrage tente de redonner un visage aux bâtisseurs du Moyen Âge. Le projet de l'auteur est simple et fort : aller bout d'une approche sociale afin d'éclairer en plus des techniques de production et de gestion d'un grand chantier gothique catalan du XVe siècles les destins singuliers des obscurs artisans, ouvriers et manoeuvres de la construction et d'entrer on relation avec les personnes et leur vie. Au total, près de 2 500 noms ont revu la lumière, et une approche prosopographique pointue a permis de décliner leur rôle aussi bien sur le plan technique que social, de montrer leur poids démographique. économique et politique dans la Gérone du XVe siècle.
À l'occasion du départ à la retraite de Michelle Fournie, ses collègues historiens et historiens de l'Art de l'Université de Toulouse II le Mirail ont souhaité réunir en son honneur un volume de Mélanges. Bien plus qu'un volume disparate, nous avons voulu construire un ouvrage cohérent organisé autour de ses thèmes de recherche. Le dialogue établi entre le Ciel et la Terre à la fin du Moyen Âge fut notre guide. En effet, l'oeuvre majeure de Michelle Fournie, Le ciel peut-il attendre ? Le culte du Purgatoire dans le Midi de la France, publié aux Éditions du Cerf en 1997 a marqué nombre d'historiens de la religion et des mentalités. Les premiers temps de cette conversation sacrée prennent ici la forme d'une interrogation sur les modalités des suppliques adressées aux reliques des saints et à leurs images en Europe à la fin du Moyen Âge. Le colloque pacifique ou tendu entre le Ciel et la Terre se poursuit au travers d'une série de contributions consacrées aux Églises méridionales et à leurs rapports aux pouvoirs terrestres. Enfin, la relation se conclut en donnant la parole aux dévotions collectives et aux différentes formes de la piété ordinaire. Ce volume constitue, certes, un hommage, mais il est aussi, nous l'espérons, une pérégrination sur les chantiers actuels de l'histoire religieuse et des mentalités médiévales.
S'il est une notion qui, principalement en raison de l'oeuvre de Walter Benjamin, peut sembler emblématique de la modernité, c'est bien celle de « passage ». L'auteur de Paris, capitale du XXe siècle, voyait dans les passages commerciaux situés dans les grandes villes comme une sorte de symbole du monde moderne. Sa vie, mais aussi sa mort à Port-Bou en 1940, firent par ailleurs de lui un « passeur » à cheval entre plusieurs mondes et plusieurs époques. Enfin, son grand livre inachevé, gigantesque recueil de notes en vue d'une histoire globale de ce qui faisait la modernité du XIXe siècle, est aujourd'hui connu sous le nom de Livre des passages. Il n'est évidemment pas question de traiter ici de l'oeuvre de Benjamin. Si l'on a jugé bon de la mentionner, outre le fait qu'elle est sans doute assez directement responsable du titre de ce colloque, c'est parce qu'elle peut aussi nous inviter, ne serait-ce que par comparaison, à nous interroger sur les différents « passages » médiévaux, pas moins nombreux qu'à l'époque contemporaine mais nécessairement différents quant à leur signification. En effet, dans un monde divers, contrasté, fragmenté comme l'est celui du Moyen Âge, ne peut-on penser que le « passage » d'une région à une autre, d'une langue à une autre, d'un statut à un autre, représentent des changements plus importants que dans nos sociétés modernes, toujours plus homogènes ?
Ce volume rassemble quinze études d'histoire médiévale sur l'histoire des prix. L'histoire économique, en fait une histoire économique et sociale, n'est plus aujourd'hui un champ heuristique capable de réunir des chercheurs sur un vaste chantier collectif. À la mode du « sériel » et de « l'économique » ont succédé d'autres thématiques et d'autres méthodes. Les historiens des villes comme les historiens des champs retrouvent néanmoins les questions envisagées par leurs aînés ; quelques-uns font leur pâture de chiffres, mesures de biens donnés reçus, vendus et achètes, troqués, gagés. Comment traiter ces données ? Faut-il les nommer « prix », « pretium » ou les comprendre dans un autre cadre que le « marché » ? Les problèmes techniques, les débats ne manquent pas sur un problème que les événements contemporains viennent compliquer. Comprendre la conjoncture, envisager l'existence et la nature d'une « crise » démographique, frumentaire, économique, décrire les modes de production médiévaux ou observer les relations d'échange, savoir comment les hommes du XIVe siècle souhaitaient soulager les difficultés des plus pauvres ou défendaient l'équité impose de s'interroger sur la manière de traiter les données toujours lacunaires mais aussi parfois très abondantes que recèlent les archives méridionales, ibériques, ou italiennes. Sur cette voie, Maurice Berthe professeur à l'Université de Toulouse, demeure un maître auquel de plus jeunes que lui ont souhaité témoigner leur enthousiasme et leur reconnaissance pour ce qu'il nous a appris. La profonde modestie de l'enseignant et du chercheur, fondateur et directeur de Méridiennes n'aurait pas souffert la parution d'un hommage volumineux qui eût dû s'élargir aux diverses thématiques étudiées par le récipiendaire. Ce volume n'est donc pas un « hommage » traditionnel : il est donc simplement le résultat de longs et amples dépouillements, suivis de traitements statistiques sujets de doutes et d'inquiétudes, et d'une écriture durant laquelle quinze historiens ont, fait exceptionnel dans ce genre d'ouvrage, accepté d'illustrer un titre imposé. Il est un retour aux sources dans tous les sens du terme, un voyage dans les archives qui démontre la grande richesse de la recherche médiévale en histoire économique dont la fertilité doit beaucoup aux travaux de Maurice Berthe. Maurice Berthe, professeur d'histoire médiévale à l'Université de Toulouse-Le Mirail directeur de l'UMR Framespa jusqu'en 1998 s'est intéressé à la Catalogne, à la Bigorre à la Navarre puis au Midi toulousain. Il est l'auteur d'une thèse d'État soutenue en 1979, Famines et épidémies dans les campagnes navarraises à la fin du Moyen Âge, Paris, l984.
Cet ouvrage regroupe les actes d'un colloque organisé par la Casa de Velázquez, à Madrid, au mois de mars 2004 sous le titre Desde la Tarraconense hast a la Marca Superior de al-Andalus (ss. IV-XI). Il s'agit là du premier volet d'une série intitulée villa dont le champ de recherche couvre l'ensemble de la vallée de l'Ebre et la période des siècles dits obscurs. L'objectif de cette réunion visait à regrouper des universitaires et des chercheurs des deux côtés de la chaîne pyrénéenne pour éclairer la question controversée de la transition de l'Antiquité tardive au Moyen Âge, Au-delà de la diversité des exemples abordés, en Navarre, en Aragon comme en Catalogne, les séances ont permis de dégager des points communs dans l'étude du peuplement rural, tel que le poids du déclin démographique des ve-vie siècles, l'existence d'un habitat dispersé avant l'an mil, la fréquence des sépultures taillées dans la roche et surtout, avant la grande mutation du xe siècle, le faible rôle du château dans l'organisation de l'espace et la structuration du peuplement, Malgré les bouleversements entraînés par la conquête musulmane au début du viiie siècle, on retiendra surtout qu'il convient d'étudier cette période non plus en termes de fin du monde antique ou de prémices du Moyen Âge mais en soi et pour soi, comme un moment particulier, depuis la crise de la villa jusqu'à l'essor de l'incastellamento.
Guillaume d'Orange est une figure composite : compagnon de Charlemagne et de son fils Louis, saint laïc, constructeur d'église et d'abbayes, il devient personnage d'épopée et icône littéraire. Son historicité étant attestée, reste à la dégager d'un mythe en construction. Celui-ci s'incarne à la fin du XIIe siècle, en la personne du prince d'Orange, un des protagonistes de la croisade contre les Albigeois. À partir de lui se met en place le célèbre parcours dynastique de la famille d'Orange et son destin royal, multiséculaire et européen. Plusieurs questions s'imposent d'elles-mêmes. Certaines cours nobiliaires méridionales des XIe et XIIe siècles semblent avoir puisé dans le corpus des récits guillelmides pour des finalités diverses : affirmation d'une conscience de soi, utilisation politique du potentiel symbolique. Peut-on identifier les lieux de réception de cette subtile élaboration culturelle ? Par ailleurs, sur les routes de pèlerinage et de croisade, et lors des grandes assemblées aristocratiques, la figure de Guillaume se dégage du cadre méridional et prend une dimension européenne. Selon quelles modalités ? À quoi tient une telle réussite à côte d'autres héros paladins tombés dans l'oubli ? Enfin, le personnage de Guillaume relevant à la fois de l'histoire et de la fiction, le problème du statut respectif des textes historiques et littéraires (avant le XIIIe siècle) mérite d'être posé. Les cloisons étaient-elles aussi étanches entre les actes de la pratique et les textes narratifs, encre compositions épiques et productions lyriques ? L'hypothèse de l'existence d'un épique roman justifie qu'on s'y attarde : jusqu'ici controversée sans qu'elle ait été véritablement discutée, elle est dorénavant au centre de nouveaux questionnements.
La Rouergue a connu une profonde mutation sociale aux environs de l'an mil : c'était jusque là un pagus d'origine antique où régnaient l'ordre public carolingien incarné par les comtes, le respect de la loi écrite, la grande propriété dispersée ; l'esclavage subsistait, mais les alleutiers paysans étaient nombreux sur leurs terroirs libres. Cet ordre ancien commence à faiblir à partir de 950, mais C'est quelques années plus tard que la crise éclate : la documentation révèle de violentes secousses sociales entre 985 et 10.50. le comte Raimond III ne parvient plus à se faire obéir, les moines de Conques chassent leur abbé en titre, les plaids ne sont pins respectés, les paysans vendent leurs alleux. L'ouvrage offre un remarquable panorama de l'état de la société du temps, des tensions qui la traversent, du changement qui la restructure pour déboucher sur une nouvelle société qui présente toutes les caractéristiques d'une société féodale. Reposant sur une recherche rigoureuse, alimentée aux sources les plus larges, chartes en latin et en langue d'oc, récits hagiographiques et sources littéraires, cet ouvrage fondamental pour l'histoire du Moyen Age rouergat en renouvelle les connaissances et les orientations conceptuelles.
Philippe Bernardi, spécialiste de la construction, s'intéresse dans cet essai à l'une des images fortes de l'histoire sociale du travail : celle d'une hiérarchie qui, au Moyen Âge diviserait les producteurs en maîtres, valets et apprentis. Partant de l'analyse des principales synthèses publiées dans ce domaine au cours des cinquante dernières années, Philippe Bernardi s'attache, en premier lieu, à envisager le sens communément donné à cette tripartition avec ses limites, ses contradictions et ses implications ou présupposés. L'examen engagé se poursuit par une recherche des fondements historiographiques et des modalités de diffusion d'un sens commun, à partir des écrits des Chrétiens sociaux, au XIXe siècle, et en lien, notamment, avec la notion de corporatisme. Une fois le modèle replacé dans une perspective historique, il convenait de le confronter aux documents médiévaux. C'est l'objet de la dernière partie de l'ouvrage, consacrée à une étude de l'organisation de la production dans la Provence des derniers siècles du Moyen Âge. L'enquête conduite à une échelle régionale montre alors que dans certains cas au moins, la structuration des relations professionnelles reposait plus sur une série de dualismes mouvants (ouvriers qualifiés et non-qualifiés : entrepreneurs et sous-traitants ; maîtres et dépendants) que sur le système ternaire de la hiérarchie maître, valet, apprenti.
Combien de fois n'a-t-on pas lu ou entendu, au cours de ces vingt dernières années, que la morale enseignée dans l'école de Jules Ferry était d'inspiration positiviste et se présentait même comme une entreprise anti-religieuse ? Les contemporains qui lui étaient hostiles n'avaient pas tardé à fustiger une « école sans Dieu ». Or, les textes des années 1880, aussi bien les instructions et programmes que les très nombreuses prises de position dues aux instituteurs et aux autres acteurs de l'enseignement primaire, s'inscrivent largement en faux contre ce cliché historique. Cet ouvrage se propose de montrer, à travers l'étude des documents officiels et de la riche presse scolaire, que la religion avait conservé une place et un rôle incontestés dans l'enseignement de la morale tel qu'il était donné dans l'école laïque en ses années de fondation. C'est l'occasion de revisiter un moment majeur de la modernisation de notre société et de mieux mesurer combien rupture et continuité ont pu se mêler au moment où notre école primaire a entrepris de « sortir de la religion ».
À la fin du xviiie siècle, le déclenchement des "Révolutions atlantiques" remettait le monde américain au coeur des curiosités et des préoccupations de l'Europe. Cette "redécouverte des Amériques", on la doit, pour une large part, à ces savants-voyageurs - de Humboldt à Alcide d'Orbigny - dont les récits aidèrent à la connaissance d'espaces encore méconnus ou ignorés. Leurs observations contribuèrent en effet à l'émergence de nouveaux regards, depuis le simple exotisme jusqu'aux approches proprement scientifiques. Véritables initiateurs de sciences humaines en gestation, ces aventuriers du savoir firent de leur objet d'observation le lieu où se croisaient, pour leur enrichissement mutuel, l'humain, le géographique, le botanique ou le biologique. Ils apportèrent ainsi leur pierre, en cette période des Lumières, à l'édification de la modernité culturelle européenne. Le présent ouvrage rassemble les textes de spécialistes venus d'horizons géographiques et disciplinaires très divers, mais tous également soucieux de mesurer avec précision l'impact de cette redécouverte des Amériques sur l'histoire culturelle du xixe siècle et sur son système de représentations de l'Autre.
Hérésies et dissidences religieuses se sont propagées jusque dans les villages les plus reculés de l'Europe médiévale et moderne, et s'y sont même parfois implantées durablement. Cet aspect de la vie rurale a pourtant longtemps été négligé par les historiens parce que les villes semblaient concernées en priorité, mais surtout parce qu'il demeure inhabituel de considérer la société villageoise sous l'angle de la diversité, de l'hétérogénéité, du conflit ou de la coexistence malaisée. À rebours des idées reçues, ce livre propose donc de redécouvrir les réseaux et les clivages qui favorisèrent dans les campagnes la diffusion et le maintien de groupes dissidents parfois majoritaires : cathares et vaudois, lollards et protestants, anabaptistes ou même morisques... Au coeur des villages, le développement et la survie des minorités confessionnelles ont dépendu des équilibres démographiques, des réseaux économiques et sociaux, des structures politiques tout autant que des représentations de soi et de l'autre. Et dans ce contexte de profonde interconnaissance, l'engagement religieux a pris assurément un relief particulier.
Au cours du ixe siècle, des vicomtes sont apparus dans tout l'Occident carolingien pour suppléer les comtes dans l'encadrement local des populations, faisant office de lieutenant du comte dans toutes ses fonctions, fiscales, judiciaires et militaires. À partir de ce fait bien connu, les travaux ici présentés mettent en lumière l'évolution ultérieure qui fait apparaître de très nettes distinctions régionales. Rien de commun en effet entre les zones centrales de l'ancien Empire carolingien, où les vicomtes ont disparu ou ont été ravalés au rang de simples châtelains au service d'un pouvoir supérieur, comtal, ducal ou royal, et les marges carolingiennes où les vicomtes ont accédé à un niveau de pouvoir et d'autonomie remarquable. De ces profondes différenciations, résulte une géographie politique originale entre l'Atlantique et les Alpes, entre la France de l'Ouest et les terres catalanes. Rassemblant des spécialistes de l'histoire politique et sociale médiévale, cet ouvrage nous offre à la fois un panorama détaillé et une synthèse sur des entités territoriales illustres comme la vicomté de Béarn, ou plus méconnues comme celle de Marsan.
Coq de village, batlle, serf opulent, paysan-marchand : voilà de bien singulières figures qui se détachent de la vision lisse des sociétés villageoises. Acteurs majeurs de la vie économique, ils mènent de subtiles stratégies d'accès pour conquérir et préserver les positions dominantes. Ils occupent une position ambiguë entre le seigneur et les habitants, représentants de leurs semblables, mais aussi au service du puissant. Pleinement insérés dans leur village, mais s'en distinguant par des pratiques sociales d'affirmation et de distinction, ils sont hors du « commun ». Historiens et archéologues ont recherché, sur la longue durée, mais aussi par études de cas significatives, moins à établir une nouvelle typologie de ces élites rurales qu'à penser plus globalement leur rôle, leurs manières d'exister au monde et d'animer son évolution.
Les historiens en conviennent volontiers : la dîme fut l'une des principales institutions de l'Occident médiéval et moderne, quand bien même on la réduirait à un simple impôt ecclésiastique. Elle occupe pourtant une place négligeable dans l'historiographie des dernières décennies. Or quel fut son rôle véritable dans l'évolution des structures économiques et sociales de l'Europe occidentale ? La question est neuve, et lourde d'enjeux fondamentaux. Il s'agit notamment d'évaluer l'impact relatif des prélèvements fonciers, fiscaux et décimaux sur les populations assujetties. Plus encore, il est nécessaire de comprendre les rapports entre la dîme et des phénomènes aussi essentiels que la seigneurie, le fief, la paroisse ou la communauté d'habitants. Pour ce faire, il fallait mieux connaître les conditions concrètes de son prélèvement et de sa redistribution. Les contributions rassemblées dans ce volume mettent en évidence une variété des formes qui n'avaient jamais été prises en compte. Elles soulignent la fonction cruciale du prélèvement décimal dans l'organisation des rapports sociaux à l'échelle locale, régionale et européenne.