Comment reconnaître une information véridique ? Dans un monde bercé par la litanie des fake news, la question est d'une actualité cruciale. Comment croire autrui, sur quels critères accepter ou réfuter les nouvelles transmises, comment être cru ? Ces questions étaient aussi pertinentes dans l'Athènes classique qu'elles le sont aujourd'hui avec les réseaux sociaux. Dans les plaidoiries du ive siècle avant J.-C. conservées grâce à la transmission manuscrite, les plaignants répètent en effet sans cesse à leur auditoire qu'ils « disent vrai ». Les chercheurs ont cherché depuis longtemps à déterminer si c'était bien le cas, en croisant les événements décrits avec les faits attestés par ailleurs. Ce livre, en interrogeant les mécanismes employés pour rendre vrai un discours, adopte une approche radicalement différente. En situant la fabrique de la vérité du côté de l'énoncé du discours, l'ouvrage déploie pour le lecteur l'éventail des preuves auquel les plaignants avaient recours lors de leur intervention au tribunal, appelé le dispositif de vérité. Au centre de ce dispositif émerge une figure majeure, celle du témoin. La place faite aux déposants dans l'enceinte judiciaire ne va pas de soi, pas plus que les gestes attendus d'eux au moment de leur témoignage. Les dimensions orales et écrites des dépositions testimoniales sont alors soigneusement articulées. La valorisation de la parole des témoins varie en fonction de leur sexe et de leur statut, qu'ils soient libres ou non. Les individus qui montent à la tribune sont tenus responsables de leur parole selon des principes qui nouent étroitement le droit et la religion, le regard des juges et celui des dieux. Témoigner et convaincre sont des actes qui s'insèrent par conséquent dans un dispositif de vérité contraignant. Les Anciens étaient soucieux, à leur manière, de placer leurs discours sous le signe de la vérité.
Peut-on, aujourd'hui, écrire une histoire de la Gaule ? Les descriptions faites par César dans le récit de sa conquête - la fameuse Guerre des Gaules - relèvent-elles du mirage et obéissent-elles à la seule règle de la communication politique ? Quelle était la réalité indigène des Gaules du 1er siècle avant notre ère ? En reprenant l'ensemble du dossier grec et latin, cet ouvrage fait d'emblée le pari de l'unité de la Gaule en montrant comment s'y sont développées, avant César, des pratiques politiques communes : assemblées à différentes échelles, reconnaissance d'une autorité commune, mise en place de coalitions générales placées sous l'autorité de chefs de guerre dont Vercingétorix fut le dernier et le plus célèbre représentant. Après la conquête romaine, ces pratiques constituèrent une partie du socle administratif de la Gaule romaine. Ainsi l'entité gauloise fut pérennisée par le culte du Con_ uent, à Lyon, ignorant la tripartition provinciale imposée par Rome et obéissant en partie à une tradition héritée du temps de l'indépendance. En s'appuyant sur le dynamisme de l'archéologie régionale, cet ouvrage enrichit considérablement l'image communément partagée de la Gaule. Fini le temps où les seuls Éduens représentaient, élevés au rang de modèle unique, tout ce que l'on pensait savoir sur les Gaulois : la diversité des institutions gauloises, liées à celle des peuples de la Gaule, donne à voir une société bien plus complexe et bien plus intéressante. Le découpage provincial et la mutation civique réalisée par les Romains en 16-13 après notre ère, tout en poussant à davantage d'homogénéisation institutionnelle, ne mettent pas un terme à cette diversité. L'adaptation aux normes importées d'Italie suit en effet, selon les régions, des schémas et des rythmes variés. Documentés par un large corpus de textes relus à l'aune de nouvelles questions et par l'exploitation d'un important matériel archéologique et numismatique, la Gaule et ses peuples trouvent ici une épaisseur politique surprenante qui renouvelle largement notre regard sur ceux qui furent longtemps considérés comme de fameux « ancêtres », nos Gaulois.
Du cahier des charges définissant les obligations respectives des parties, des registres mensuels faisant état des sommes perçues pour le compte de l'État romain aux reçus émis à la suite de l'acquittement des impôts, des déclarations de fouille aux plaintes dénonçant les abus des personnels douaniers, l'ensemble des activités liées aux douanes d'Égypte a donné lieu à une production documentaire remarquable par la variété et la quantité des pièces produites. Le corpus papyrologique (papyrus et ostraca), plus de cinq cents documents en langue grecque, rassemble la totalité de la documentation éditée à ce jour. Les documents de la pratique égyptiens sont, de ce fait, l'une des sources les plus précieuses pour reconstituer les modalités de fonctionnement de la fiscalité douanière, saisir les évolutions qu'elle a connues et apprécier les apports de ce champ de l'administration fiscale aux savoirs de gouvernement de l'Empire romain. En présentant la documentation, en analysant le vocabulaire fiscal et en dressant une typologie des écrits douaniers, cet ouvrage donne également à voir les acteurs, égyptiens, grecs ou romains, impliqués dans la production des écrits ou dans l'exécution des opérations de vérification. Auprès d'eux, c'est le caractère empirique de la prise de décision politique qui dès lors émerge de cette étude originale et témoigne de la capacité d'adaptation des pouvoirs publics à des exigences fiscales et administratives le plus souvent conjoncturelles.
Les trente-cinq études de ce volume, revues et mises à jour, retracent l'histoire de la Gaule méridionale, appelée d'abord Transalpine puis Narbonnaise, des premiers temps de la présence romaine aux débuts de l'Antiquité tardive et montrent les transformations d'un monde provincial sous l'empreinte de Rome. Une nouvelle géographie économique apparaît avec le déplacement des centres de gravité, de Narbonne vers la vallée du Rhône et Lyon. La romanisation de la société est autant politique que religieuse. On assiste à une intégration réussie des élites - notables issus de l'Italie et descendants des grandes familles aristocratiques indigènes - mais également à l'ascension des représentants de la société civique provinciale - le commun des détenteurs des magistratures et des sacerdoces. S'épanouit alors au cours de la seconde moitié du premier siècle av. J.-C. une culture de l'écrit qui se manifeste, en particulier par l'abondante production épigraphique, dans les lieux funéraires, les grandes demeures et les espaces publics urbains. L'accès des grandes familles à l'ordre équestre et à l'ordre sénatorial, puis leur participation au gouvernement de l'Empire viennent concrétiser, dès le premier siècle ap. J.-C., le rapprochement entre l'Italie et cette partie de l'Empire romain, dont le destin apparaît alors comme singulier, selon l'expression de Pline l'Ancien : À la vérité, plus l'Italie qu'une province. Cette somme érudite est appelée à devenir une oeuvre de référence sur l'histoire de la Gaule narbonnaise.
La démocratie athénienne ne fut pas seulement affaire d'institutions politiques. Sa pérennité, depuis la fin de la période archaïque jusqu'au ier siècle avant notre ère, tient en grande partie à l'existence d'une vie communautaire particulièrement dense qui, entre la sphère de la famille et celle de la cité, participait à la construction du lien social. Qu'il s'agisse de subdivisions civiques (dèmes, phratries), de communautés sacerdotales (genê) ou d'associations cultuelles (thiases, orgéons, synodes, eranoi), c'est au sein de ces différents groupes que chaque citoyen prenait part à la vie démocratique. Structurées autour de pratiques cultuelles spécifiques, possédant des terres et des biens, désignant en leur sein des magistrats ou votant des lois et des décrets, toutes ces associations ne constituaient pas pour autant des entités fermées sur elles-mêmes. Leur étude croisée fournit à ce titre un point d'observation à partir duquel le fonctionnement de la société civique athénienne peut être appréhendé dans son ensemble. À cette aune, la cité apparaît comme un faisceau d'entités composites, un ensemble de réseaux de multiples dimensions, loin de l'image stéréotypée de la cité une et indivisible promue par l'idéologie civique. Peut-être est-ce précisément là que réside la grande originalité de l'Athènes classique : ces communautés au fonctionnement emboîté forment la trame d'un espace public pluridimensionnel. Largement inspirée de la démarche de la micro-histoire, cette étude propose ultimement une hypothèse sur la nature même du politique athénien.
Cet ouvrage, qui réunit des spécialistes des cités grecques et du royaume ptolémaïque, se propose d'interroger la notion d'identité dans les mondes grecs par le biais des processus d'identification, processus qui conduisent conjointement à singulariser un individu et à le différencier d'un autre pour pouvoir le reconnaître. Il procède de deux objectifs : tenter de dépasser l'effet de rupture suscité par la spécificité des sources conservées pour les cités grecques d'époque classique, d'une part, et pour les royaumes hellénistiques, d'autre part ; confronter la perspective sociale et la perspective juridique afin de cerner ce qui unit et sépare les tenants d'une histoire sociale à proprement parler et ceux qui centrent leurs objets sur les normes juridiques et les pratiques en contexte judiciaire. Un premier groupe de cinq articles interroge ainsi le degré d'implication des instances de la polis ou de l'État monarchique en matière d'identification des personnes (A. Maffi, P. Ismard, U. Yiftach, Y. Broux - avec un éclairage complémentaire offert par M. Béraud pour le monde romain). Six autres contributions explorent plus particulièrement les relations et les tensions entre identifications individuelles et identifications collectives (R. Guicharrousse, M.-L. Sronek, L. Sot, K. Bouillot, S. Wackenier, L. Rossi). Trois études enfin sont centrées sur les pratiques d'identification en contexte judiciaire et parajudiciaire (N. Siron, É. Scheid-Tissinier, G. Baetens).
Comment, pendant plus de cinq siècles, les dirigeants de Rome ont-ils pu assurer l'unité d'un vaste empire s'étendant de l'Écosse actuelle aux confins du désert arabique ? Une réponse à ce questionnement est apportée par des orateurs de la fin du iiie siècle de notre ère, originaires d'Autun en Gaule, auteurs de discours rassemblés dans le recueil des Panégyriques latins. Ce livre propose une relecture inédite des Panégyriques latins V(9) et VIII(5), témoins uniques des modes de communication qui pouvaient s'établir entre les représentants d'une communauté civique et les autorités impériales. Dans cet échange mélangeant enjeux administratifs et rituels de cour, convaincre le prince passait par une utilisation habile de la rhétorique de l'éloge. Héritiers de traditions élaborées en Orient à l'orée du Principat, les panégyristes éduens montrent leur maîtrise du genre appelé « discours d'ambassade », mobilisé pour formuler des requêtes officielles ou défendre les intérêts locaux. Dans la stratégie persuasive à l'oeuvre, les fleurs de rhétorique, loin de n'être que de vaines paroles, révèlent une multitude d'informations sur la vie municipale, l'évergétisme, la culture des notables, les rituels du pouvoir et bien d'autres choses encore. Par cette réhabilitation d'une documentation longtemps négligée, l'analyse apporte des éclairages nouveaux sur la survie des institutions et des idéaux civiques en Gaule au lendemain de la crise du iiie siècle et, chemin faisant, sur la phase ultime du processus de romanisation. En dernier lieu, ces discours révèlent l'existence, au sein de l'Empire, d'un phénomène unique dans l'histoire, produit d'un mélange subtil de pratiques administratives et de tractations diplomatiques entre les cités et le pouvoir central. Le dialogue noué dans le cadre de la « diplomatie intérieure », source de compromis et d'équilibre entre ces deux échelons de gouvernement, a joué un rôle essentiel dans la cohésion de l'imperium Romanum.
Tandis que la première Journée doctorale d'archéologie était centrée sur l'objet, en tant que marqueur d'identité culturelle pour les communautés humaines du passé, cette deuxième Journée traite du territoire, envisagé comme zone d'approvisionnement et d'activités économiques. À travers l'étude des vestiges matériels, ce sont les stratégies mises en oeuvre par ces communautés pour subvenir à leurs besoins dans les limites de l'espace qu'elles occupent qu'il s'agit d'interroger: comment s'organisent-elles pour accéder aux ressources naturelles et pour les exploiter, pour conserver, répartir et échanger leurs productions, mais aussi pour développer leur emprise sur le milieu et assurer le contrôle économique de leur territoire ? En raison de la grande diversité de leurs modes de vie - que la géographie et l'histoire ne suffisent pas à expliquer - les sociétés anciennes ont apporté des réponses différenciées à ces questions. Sur cette variété des pratiques économiques, l'archéologue, qui ne dispose que d'une infime partie des traces matérielles - souvent évanescentes et rarement univoques -, peut-il vraiment nous éclairer? C'est le défi qu'ont tenté de relever les auteurs des neuf contributions rassemblées dans ce volume, jeunes doctorants en archéologie dont le hasard veut, cette année, qu'à l'exception d'une étudiante dont les recherches portent sur les chasseurs mésolithiques d'Europe septentrionale, ils travaillent tous sur des civilisations qui se sont épanouies loin de notre continent: communautés villageoises néolithiques des marges du Sahara, pêcheurs préhistoriques de Polynésie, horticulteurs kanak de Nouvelle-Calédonie, artistes Mochicas du Pérou, paysans, tailleurs d'obsidienne et producteurs de sel du Mexique préhispanique, cultivateurs et forestiers de la Guyane précoloniale, conquérants aztèques et colons espagnols. Autant d'aires chrono-culturelles dans lesquelles la recherche archéologique actuelle tente de comprendre les liens entre économie et territoire.
L'ambition de cet ouvrage collectif est de poser les jalons d'une vaste enquête historique sur les documents dans la Rome antique. Ne sont pas envisagées ici la valeur subjective ni la valeur d'échange des documents considérés comme moyen de la recherche historique ; bien au contraire, il s'agit ici des documents tels qu'ils étaient conçus et utilisés par les Anciens eux-mêmes pour leur propre usage, clairement ressentis et acceptés comme tels par les acteurs de l'histoire que nous voulons comprendre. Ces documents, publics et privés, puisque dans l'Antiquité comme de nos jours les frontières entre les deux domaines étaient sinon entièrement floues, du moins penetrables, il faut en écrire l'histoire propre : suivre leur élaboration, leur publication, leur consultation, et enfin leur conservation. Ce premier volume, amorce d'une moisson future, rassemble huit études qui, toutes, traitent de séries documentaires rédigées dans l'Antiquité romaine. Produits d'un état plus bureaucratique qu'on ne le croit généralement, les archives romaines doivent d'abord être inventoriées dans leur état de spoliation, dans les traces négatives qu'elles ont laissées, avant d'être interrogées comme l'irremplaçable reflet d'un monde que nous avons perdu. Contributions de Jean ANDREAU. Maria BATS, Michel CHRISTOL, Marianne COUDRY. Claude MOATTI. Philippe MOREAU, Claude NICOLET, John SCHEID.
Michel Balard est l'un des historiens qui, loin des évocations nostalgiques, des exclusions communautaires, des oppositions irréductibles, travaille à une histoire totale de l'espace méditerranéen. Dans ses cours, ses conférences, ses travaux personnels comme dans les recherches collectives qu'il a animées, il a placé les croisades, les conflits et les échanges de toute nature, les phénomènes de colonisation et de migration au coeur d'un vaste mouvement d'expansion occidentale qui se déploie à l'époque médiévale sous des formes complexes, et dont l'héritage se fait sentir encore aujourd'hui. À l'issue d'une longue et fructueuse carrière universitaire, ses élèves, ses collègues, ses amis ont à coeur d'emprunter les Chemins d'outre-mer qu'il leur avait ouverts, chemins multiples reliant les civilisations byzantine, musulmane et occidentale qui se sont partagé, à la fois rivales et unies, l'espace méditerranéen au Moyen Age. Ce double volume, qui rassemble plus d'une soixantaine de contributions, invite le lecteur à suivre sur ces chemins pèlerins et croisés, marchands et voyageurs, et ainsi à mieux comprendre les formes et les enjeux des relations qui se sont développées d'une rive à l'autre de la Méditerranée.
Le présent volume regroupe deux réflexions collectives. La première est issue de la table ronde organisée par Margaret Mullett lors du XXe Congrès international des Etudes byzantines, tenu à Paris du 19 au 25 août 2001. Les débats ont tenté d'aborder le monachisme byzantin par de nouveaux moyens et d'appréhender la place décisive que les moines occupent à toutes les époques dans la société byzantine. La seconde, issue d'un séminaire tenu à l'université Paris I, étudie le second iconoclasme et ses suites. Cette période dite abusivement iconoclaste - abusivement, parce qu'une telle appellation pourrait réduire la perspective d'étude - est celle du rétablissement de l'Empire byzantin après le choc des invasions. Elle demande de nombreuses études dans tous les champs de la recherche historique pour livrer une partie de sa logique, notamment de 815 à 843 et dans le temps qui suit le rétablissement des Images en 843.
La question des rapports entre les sexes et de la définition des rôles sexués est assez familière aux spécialistes de l'Antiquité. Néanmoins le renouvellement théorique apporté par la notion de genre incite l'équipe Phéacie, qui réunit des chercheurs et des enseignants-chercheurs spécialistes de l'Antiquité grecque et romaine, à proposer un premier bilan des problèmes que leur pose l'usage de cette catégorie. La variété des sources étudiées, épigraphiques, papyrologiques, archéologiques, littéraires, témoigne de l'ampleur que peut prendre un tel questionnement historique susceptible de renouveler radicalement la lecture de tel ou tel document supposé bien connu. Par ailleurs, les cadres normatifs observables dans les sociétés antiques, une fois mis au jour, paraissent sujets à bien des gauchissements, voire des transgressions. Ceux-ci rendent compte, à leur tour, de la dynamique des identités de genre qu'on ne saurait réduire à deux contenus, le masculin et le féminin. Néanmoins cette polarité reste un ordonnancement politiquement utile, permettant de hiérarchiser les individus et les comportements, et, exceptionnellement, de valoriser des caractéristiques socialement associées à un sexe ou un autre, tels l'obéissance pour les filles de leurs pères et le courage physique pour les fils de la cité.